Sous Le Ciel Bleu
Nguyên Đỗ 14.12.2006 11:29:11 (permalink)
Etoile de l'Ouest 

Un autre point de vue des événements qui ont eu lieu dans les années 1979-1989.

Un jour sans soleil est un jour sans joie, une nuit sans étoile est une nuit sans espoir. Cette phrase flotte dans ma tête comme un bateau en pleine mer. C'est extraordinaire. Un jour sans soleil est un jour perdu, une nuit sans étoile est une nuit superflue. Je m'allonge sur la plage, sur le petit coin de la plage entourée par la mer et des fils de fer barbelés du camp de Songkhla qui restera dans l'histoire orale des réfugiés comme un tournant de leur vie où se mêlent l'amour et la haine, les rires et les pleurs, l'espérance et le désespoir. Quelle ironie! Je commence une vie nouvelle, une vie libre dans un camp encerlé de fils de fer barbelés et gardé par des soldats qui nous traitent avec mépris comme des ennemis, des animaux, des monstres non souhaités venus du fond de la mer. Et le monde du dehors nous accueille comme des héros qui risquent la vie pour la liberté. Je ris avec amertume à mes idées stupides. Un jour sans soleil. Je regarde le ciel gris, encore plus gris que ceux de mes plus tristes jours, peut-être à cause de l'orage qui a duré les deux derniers jours.

Soudain, tous les réfugiés au camp entendent la voix du père Joe Devlin qui annonce:" Ecoutez! Il y a probablement un bateau de refugiés en danger au large de la mer. Nous avons besoin de volontaires ..."

La nouvelle se répand rapidement à travers le camp. Tout le monde court, vieux et jeunes, hommes et femmes, vers le bord de la mer. Une petite barque flotte, apparaît et dispparaît de temps à autres entre les hautes vagues à l'horizon. Un jeune homme fait monter un grand drapeau de la République du Sud-Viêt-nam. Le drapeau flotte vivement dans le vent comme si une mère faisait signe à ses enfants de venir vers elle. Père Joe lui-même prend vingt volontaires et ils rament dans deux canots avec des gilets de sauvetage pour des gens en danger.



Anxieusement, on les scrute, les poursuit des yeux inquiets. Les flots énormes courent et frappent la plage. On recule devant la colère des vagues qui se jettent comme des chevaux furieux. L'eau salée couvre des gens qui se hâtent de courir vers le camp. Je lèche mes lèvres. Un goût salé comme celui des larmes. Je sais que je pleure. Je suis anxieux comme les autres. Peuvent-ils aider les pauvres réfugiés au-delà ou perdre leur propre vie? Père Joe est âgé. Il a environ soixante-quinze ans. Il est parti des Etats-Unis pour le Viêt-Nam en 1970. Il a partagé la pauvre vie avec milliers de Vietnamiens dans la guerre, et maintenant avec les réfugiés. Il est peut-être plus jeune que son apparence accablée de tristesse et d'efforts infinis pour aider ses enfants adoptés. Il a beaucoup lutté pour bâtir ce camp de Songkhla qui devient depuis des années le premier refuge des infortunés. Il est l'âme du camp.

Un jour, nous pouvons oublier tout ce qui s'est passé au camp, excepté l'image du vieux père Joe. Un jour sans soleil, un matin où le soleil ne se lève pas à l'Est, une nuit sans étoiles, sans lune, une nuit vêtue de noir, une âme sans espoir. Un triste jour, une triste nuit, une triste âme. A la fin de notre trajet, au bout de notre chemin, au dernier moment de notre espoir, se lève une étoile, petite mais brillante, à l'Ouest, une étoile dont on ne rêve pas, une étoile soudaine qui remplace celle du Nord que les marins cherchent toujours quand ils sont perdus sur la mer. Une étoile occidentale. Une étoile qu'on oublie souvent en faveur de celle de l'Orient ou celle du Nord. Quelle coïncidence! Les trois mages ont cherché la paix et la sagesse grâce à l'étoile orientale qui les conduit à l'enfant Jésus au Bethlehem et nous, venus de l'Orient, trouvons la consolation dans l'étoile occidentale qui nous mène à la liberté.

Oh Balthazar, est-ce qu'on a essayé de vous encercler aves des mensonges et des épées dans la cour d'Hérode, vous et vos deux compagnons, Gaspar et Melchior? Et vous, navigateurs des nuits, qu'est-ce que vous avez trouvé en cette étoile du Nord? Les directions? Nous aimons la lumière clignotante de cette étoile là quand elle brille au loin et fait naître nos rêves. Mais nous commençons à en avoir peur et à la fuir comme elle devient trop brillante et puissante et chaude qu'elle puisse arrêter les courants d'espérance et de vie.



Nous rêvons toujours de la mer immense qui reçoit des fleuves, des courants d'eaux de sources différentes, et de sa paix des jours ensolleilés, et de sa surface infinie ... Nous sommes descendants d'un Dragon et d'une Fée du temps où la terre et l'océan étaient encore le berceau des hommes, des enfants de l'océan qui souhaitent partager son infini en brisant les chaînes qui nous liaient aux doctrines aveuglantes, en soulevant notre vue au-delà des fils de fer barbelés.

Notre espoir renaît avec l'étoile de l'Ouest, étoile de l'Occident, étoile d'Amérique, idée de liberté qui brille encore quand tout est noir après la chute et la vie oppressée chez nous. Enfin, nous ne sommes pas oubliés et abandonnés.

De grandes vagues écumeuses frappent la plage en rugissant comme si elles voulaient dévorer leurs proies. La vie du père Joe et des volontaires est en grand danger. Leurs barques disparaissent et ils perdent la vue du petit bateau des réfugiés. Dans le canot du père Joe où se trouvent dix autres hommes, quelques-uns proposent de retourner. Père Joe dit doucement, "Pauvres et braves enfants! Je pense que c'est trop tard maintenant. On ne peut plus rentrer. Ce serait plus dangereux. Gardez bien l'équilibre. Soyez calme. Dieu nous protège. On va trouver les autres."

On entend des gens hurler, crier, mais toujours on ne peut voir personne parce que les canots flottent aux crêtes des vagues, montent et descendent très souvent. On a envie de vomir à cause du vertige. On a l'impression de voler vers le ciel et de tomber vers l'abîme. Les vagues capricieux semblent vouloir les avaler dans leur gueule énorme et profonde.

On attend toujours anxieusement au camp. Les heures coulent lentement. Le ciel reste toujours gris avec des tas de nuages menaçants. Le vent souffle fort et les flots viennent et disparaissent en reculant. Je fais les cent pas au long de la mer avec une grande anxiété. J'ai peur pour père Joe et les volontaires et les infortunés. Je deviens incapable, impotent devant cet événement farouche et soudain de la nature qui nous nourrit et menace depuis toujours. La vie humaine est fragile comme lampe au vent. A votre merci, la Nature Mère! A votre merci, vous, soldats et officiers qui tenez nos vies et vous, députés des nations qui font des sélections et décidez de nos destinées!



"Ils reviennent. Ils retournent!" crient beaucoup de gens en même temps. L'écho de leur nouvelle se répand à travers le camp et on continue de répéter qu'ils reviennent. On saute de joie, on rit, on crie, et l'on court vers la plage de toutes parts. La plage est pleine de gens qui bavardent, qui attendent le retour des héros.

Père Joe appelle le secours. Je m'approche. "Emmenez cette fille à la clinique!" et il passe à mes bras un corps immobile d'une jeune fille évanouie. Il y a aussi d'autres victimes. Nous courons vers l'hôpital. Toute l'équipe d'infirmières et médecins les soigne en toute hâte.

A l'apparence des malheureux, on devine ce qui leur est arrivé. Sans mot dire, les larmes coulent des yeux des gens pour leur commun destin, leur malheur et leur exil, leur honte et leur petite espérance.

Tandis que les adultes se pressent de demander des nouvelles du trajet et du pays, les enfants courent après père Joe en criant, "Monsieur Américain parle le Vietnamien!" Surpris par l'habileté du père Joe en leur langue, les petits oublient la faim, répétant la même phrase comme celle de l'incantation, "Monsieur Américain parle le Vietnamien!"

Souriant, père Joe leur dit, "Je ne suis pas Américain. Je suis Vietnamien." Comme par réflexes, les petits répliquent, "Vous mentez. Vous êtes Américain."

Les adultes rient avec un peu d'embarras à cause du langage et de l'innocence des petits. Père Joe les conduit à sa hutte, leur donne des bonbons, "Rentrez chez vos parents. Je dois aller à la clinique. Au revoir, mes enfants!"

Les petits paraissent déçus, mais ils lui obéissent. Quelques-uns leur disent, "Ne l'appelez pas Monsieur Américain. Il est prêtre, Appelez-le Père. Il est très gentil. Ne le gênez pas. Il nous aime beaucoup et il a tant de choses à faire."

Père Joe, assis sur une chaise près du lit où s'est couchée une jeune fille. Elle est la plus gravement blessée parmi les victimes à cause de son âge. Elle est en délir. Parfois elle sanglote, parfois elle crie au secours. Elle tourne, déchire la natte, donne des coups de pied et de poing au vide.



"Ecartez-vous, démons ! Ayez pitié ! Ne faites pas de telles choses. S'il vous plaît. J'ai honte ..." crie la jeune victime. Des mots incohérents et presque incompréhensibles sortent de la bouche de la jeune fille. Grâce à ses deux petits frères qui pleurent auprès d'elle, père Joe apprend ce qui lui est arrivé.

C'est une triste histore des violations des droits humains des pirates dont père Joe entend souvent parler. Des femmes, des vieilles et des jeunes ont été détruites moralement comme des fleurs après une tempête. Les pirates ont battu des hommes avec des haches comme on coupe les arbres. Parfois ils les ont fusillés comme des accusés criminels.

Le sang des refugiés, des hommes et des femmes, des vieillards et des enfants, a été mélangé dans l'océan et on ne peut jamais oublier la couleur du sang des innocents qui coule sur la planche du bateau ou qui flotte à la surface de la mer.

Père Joe met une serviette trempée d'eau glacée sur le front de la jeune fille qui crie, "Laisse-moi mourir!" Les deux petits frères tiennent la main de leur soeur, chuchottant, "Ne meurs pas, soeur! Nous avez besoin de toi. Tu dois vivre! Ne nous laisse pas!"

Parmi des sanglots et des cris, la voix monotone du père Joe s'entend dans la salle comme une plainte continuelle. Il murmure comme une mère à son enfant, "Ma fille, personne ne peut te blesser, maintenant. Tu es saine et sauve. Courage, mon enfant. La catastrophe est passée. Tu dois vivre pour tes deux petits frères et ta famille ..."

La jeune fille ouvre ses yeux enfin, "Qui êtes-vous? Où sont mes frères? Allez-vous-en!"

"Ici, nous sommes ici, chère soeur! " répond les deux petits, comme en choeur. Ils ajoutent:
"Nous sommes au camp de Songkhla. Cet homme est père Joe."

La jeune jeune cache les larmes avec ses mains. Elle pleure violemment. Des gouttes de joie ou de honte coulent sur ses joues tachées par les mains des monstres. Père Joe dit doucement, "Repose-toi, ma petite fille. Tes frères sont ici, sains et saufs. N'essaie pas de réfléchir ou parler. Tout va bien. Je vais vous soigner comme mes enfants..."



La jeune fille pleure et dit, "Merci, père! Mais je suis bien triste et honteuse ... Je ne suis plus une jeune fille pure."

"Non, mon enfant," répond père Joe, "N'aie pas honte. Ce n'est pas ta faute. Oublie le passé. Oublie cet accident. Tu es le lotus dans le marécage. La boue ne peut pas te salir. Pense à ta famille au Viet-Nam, à ton futur, à tes frères ici, à tout, excepté cet événement infortuné. Personne ne peut détruire la beauté des fleurs. La beauté de ton âme reste pure et brillante comme tu veux garder. Promets-moi d'oublier ce qui t'est arrivé, ma fille."

La jeune victime se trouve consolée de la bonté et des paroles douces du père Joe. Elle dit légèrement, "Oui, mon père. Je vous le promets."

Père Joe regarde sa montre et se met debout et dit, "Je dois m'en aller célébrer la messe maintenant Je vais dire mes prières pour toi, ma fille. Repose-toi et bonne nuit. Je viens te voir demain matin."

Allongée sur le lit, la jeune fille entend Père Joe, "Dieu a emmené les enfants d'Israël hors des mains du Pharaon. Dieu vous a conduits aussi ici. Souvenez-vous que vous êtes sains et saufs. Essayez d'oublier les maux que vous avez rencontrés. N'ayez pas honte. Vous êtes courageux, descendants de plus de trois cent mille martyrs pour la foi catholique, descendants d'un peuple héroïque. Faites des remerciements à Dieu. Priez pour vos citoyens. Priez pour les gens au large de la mer. Priez pour nous-mêmes et pardonnez à ceux qui vous ont fait mal. Aujourd'hui, c'est un jour mémorable, une nuit remarquable. C'est un jour où Dieu vous a sauvés de la colère de l'océan, de la méchanceté des mains des personnes qui ne respectent pas les droits divins. Venez et dites vos remerciements à Dieu qui nous protège de jour en jour ..."

La jeune fille ferme ses yeux. Je sors de l'infirmerie, heureux de la voir se reposer tranquillement. Elle se souvient des jours au Viêt-Nam. Elle voit son visage, sa mère travaillant dans l'ombre des cocotiers. Les branches palmées des cocotiers se balancent au vent et bercent son sommeil en dépit du rugissement des flots. Dans son rêve, elle voit Père Joe conduire les réfugiés vers la liberté comme Moïse a conduit les Hébreux à la Terre Promise.



Je regarde le ciel. Haut dans le firmament brille une petite étoile scintillante. Et s'il y a une étoile, il y a espoir. J'entends le bruit de la mobillette du père Joe qui s'en va vers la ville pour une conférence demain. Je me promets de garder cette lumière, cet espoir pour mon peuple dans le futur.

Nguyen Do

Ces événements dans ce récit peuvent être vérifiés auprès des réfugiés du camp de Songkhla depuis 1979-1989. Je me suis donné la liberté de les condenser en un récit pour les rendre plus vivants.
<bài viết được chỉnh sửa lúc 23.07.2007 16:57:47 bởi Con Gấu >
#1
    chairmanvn 22.07.2007 05:52:18 (permalink)
    Cám ơn Nguyên Đỗ đã cho tôi đọc đuợc lại một kỷ niêm đã qua.
     
    Xin lỗi bạn và xin lỗi vnthuquan tôi không còn đủ Pháp ngữ để viết trả lời bằng tiếng Pháp, chỉ còn đủ để hiểu bài viết của bạn.
     
    Tôi cũng từng ở Songkhla và cũng đã từng trải qua những kinh nghiệm đau thương của những người vượt biên.
     
    Tự do đã phải trả bằng một giá rất đắt.  Hy vọng rằng chúng ta có thể thực hiện đuợc lời  Cha Joe: hãy tha thứ cho những kẻ làm con đau khổ.
     
    #2
      Con Gấu 23.07.2007 04:12:06 (permalink)
      Bonsoir Nguyên Đỗ,

      Je viens de lire votre très émouvant récit et je me suis permis d'y apporter quelques modifications concernant les accents que votre clavier ne vous a probablement pas permis de mettre à l'endroit adéquat.

      Je vous souhaite de retrouver rapidement la sérénité auprès de Việt Nam Thư Quán.

      Cordialement,

      Con Gấu
      <bài viết được chỉnh sửa lúc 23.07.2007 19:39:55 bởi Con Gấu >
      #3
        Nguyên Đỗ 15.08.2007 08:35:29 (permalink)
        Cám ơn các anh chị đã vào đây đọc và Con Gấu đã hiệu đính thêm!  ND vẫn cố gắng học hỏi thêm để ghi lại những chuyện đã xảy ra trong quá khứ và hiện nay để chia sẻ cùng mọi người .

        Cái thú của người viết là có người đọc thưởng thức và bổ túc cho những gì mình thiếu sót.  Một lần nữa, ND xin cám ơn Con Gấu đã hiệu đính và Chairmanvn đã để lại ít lời tâm tình chia sẻ.

        Nguyên Đỗ

        #4
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