Compassion et sagesse - Dalaï-Lama
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Tam Tang 18.03.2007 20:37:57 (permalink)
COMPASSION ET SAGESSE
 
Sa Sainteté le DALAÏ-LAMA – Tenzin Gyatso

Entretien avec Felizitas von Schönborn

Traduit de l’allemand par Brigitte Dechin
Préface de Wei Jingsheng, dissident chinois


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PREFACE
 
            Ce serait une gageure de prétendre cerner en quelques pages une personnalité aussi riche que celle du dalaï-lama. Il nous a paru plus judicieux de lui laisser la parole et de recueillir dans un ouvrage le fruit de nos conversations à bâtons rompus. Il nous a parlé du bouddhisme tibétain et de son ancrage dans la modernité, de la liberté religieuse au Tibet, des rapports entre la politique et la religion, de la crise spirituelle que traversent nos sociétés, de ce que les uns et les autres entendent par « bonheur »… Le dalaï-lama est un homme exceptionnel qui ne laisse pas de nous surprendre par la pluralité de ses talents et son ouverture d’esprit. Sa double fonction de chef politique et religieux l’a emmené à déployer toute son énergie au service de son peuple. Des livres entiers ne suffisent pas à raconter ce destin incroyable.
        Après avoir entretenu une longue correspondance avec lui durant plusieurs années, j’ai eu enfin l’occasion, il y a trois ans, de le rencontrer en personne. Notre entente a été immédiate, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Nous nous sommes tout de suite liés d’amitié. J’ai été fortement impressionné par sa grande sagesse. On dit en Chine que les êtres qui ont connu l’Eveil  se distinguent souvent par leur modestie et leur simplicité. Cela s’applique parfaitement à cet homme qui est à la fois humble , franc et gai comme un enfant. Bien qu’il ait grandi dans le palais du Potala, coupé du monde extérieur, il a la faculté déconcertante de comprendre le destin de gens aux parcours totalement différents du sien.
        Dès notre première entrevue, nous avons bien entendu parlé de la République populaire de Chine et des souffrances qu’elle a infligées tant aux Tibétains qu’aux Chinois de la province de Han. Il éprouve la plus profonde compassion pour eux mais n’en oublie pas pour autant tous ceux qui vivent ailleurs sur terre dans l’oppression. Il se bat pour la libération de tous les hommes privés de leurs droits par le totalitarisme. Son engagement dépasse le cadre de la simple tolérance.
        J’aimerais redire ici toute l’admiration que je voue au dalaï-lama, à cet être qui a connu l’Eveil, à cet homme exemplaire qui fait preuve d’une grande acuité d’esprit et d’une infinie sagesse.
                                                       Wei Jingsheng
                                                       New-York, Novembre 2001
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#1
    Tam Tang 18.03.2007 20:46:55 (permalink)
    INTRODUCTION
     
     Un homme à l’image de son enseignement.
     
             Que ce soit à Paris, à Vienne, à Londres ou à Zurich, les apparitions publiques du dalaï-lama attirent des cohortes de gens. Quelles que soient les raisons qui l’ont conduit jusque-là, chacun repart en emportant des paroles empreintes de sagesse et de compassion. Son discours, souvent teinté d’humour, est accessible à tous. Pour beaucoup aujourd’hui, le XIVè dalaï-lama incarne à la perfection la sagesse orientale et la vision du monde propre au bouddhisme. Notre époque avide de sensations, à la recherche de stars, n’offre plus de figures édifiantes permettant à l’individu de s’identifier – comme disent les psychologues. Nul doute que le chef religieux des Tibétains est à l’image de son enseignement. Il est le porte-parole de Bouddha, qui préconise de faire le bien, d’éviter le mal et de purifier son cœur.
                Après avoir parcouru la terre entière, rencontré ceux qui la gouvernent et discuté avec des gens très simples, le dalaï-lama n’établit aucune distinction entre les uns et les autres : tous font partie d’une même et unique famille. Poursuivrait-il un vieux rêve, une utopie chimérique ? En aucun cas ! Il part d’une simple constat : la mondialisation met en péril l’humanité, et le sort de chaque homme est aujourd’hui plus que jamais lié à celui de son voisin. La dalaï-lama semble être le contre-exemple vivant de l’assertion de Rudyard Kipling : « L’Orient, c’est l’Orient, et l’Occident, c’est l’Occident, les deux ne pourront jamais se rencontrer ».
             Le dalaï-lama prône dans son enseignement la coexistence pacifique entre les hommes. Malgré nos importantes diversités culturelles, nous sommes tous, à l’évidence, de simples mortels aspirant au bonheur, et fuyant les souffrances et vicissitudes de l’existence.
             C’est ce qu’on appelle en France la condition humaine ; personne ne peut y échapper. Aux antipodes du discours du politicien qui brigue sa réélection ou des prêches du missionnaire exalté, la dalaï-lama se fait l’avocat du respect de principes vertueux à suivre en toutes circonstances pour le bien de l’humanité et plaide en faveur d’une règle d’or. Son message ne cherche qu’à inciter l’homme à adopter une attitude moralement juste envers son prochain, ainsi que le clamait Hillel l’Ancien : « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’il te fasse ». Les grands commandements du bouddhisme posent les lignes directrices d’une conduite où le respect de l’autre donne satisfaction à tous. Ennemi de tout excès, le bouddhisme propose une voie intermédiaire à mi-chemin entre la crédulité et le scepticisme.
     
     
             Nous voici à Genève, dans le hall d’un hôtel bruissant du bourdonnement  incessant des convives qui attendent de passer à table. Une centaine d’invités, parlant toutes les langues, échangent des banalités autour d’un apéritif. Ils sont venus écouter les paroles de Sa Sainteté le XIVè dalaï-lama. Je saisis au détour d’une conversation une remarque pertinente faite par une Américaine : « The dalaï-lama… he is such a funny little guy ! » (Le dalaï-lama, c’est un petit bonhomme tellement drôle . ») Puis, elle poursuit en dressant le portrait d’un homme pétillant de vie, qui aime plaisanter sans jamais se prendre au sérieux.
             Après quelques allocutions émaillées de clichés séduisants, l’ennui semble gagner l’assemblée. Or, dès que « l’humaniste bouddhiste », comme il se nomme lui-même, prend la parole, la  salle sort de sa torpeur. Tous sont saisis par ses propos et surpris par son mode d’expression.
     

    Les lunettes de Gandhi.
              A l’automne 1988, lorsque je l’ai rencontré pour la première fois à l’occasion du Conseil ecclésiastique international, des Tibétains venus des quatre coins de la Suisse et attendaient patiemment devant la porte d’entrée leur chef spirituel et religieux, l’incarnation du bodhisattva Chenresig. La dalaï-lama fit enfin son apparition d’un pas décidé, vêtu de sa robe rouge grenat et orange safran. Le rouge est la couleur de la compassion, le jaune celle de la sagesse. Quand les Tibétains se sont prosternés devant lui, le quinquagénaire s’est vivement précipité pour relever ces jeunes bouddhistes. Ce geste restera à tout jamais dans ma mémoire, car il illustre parfaitement son humilité, sa modestie, la ferveur de sa foi et sa sollicitude aimante.
            Parfaitement au courant des évolutions récentes de la politique, il a répondu aux questions de la presse sur l’implantation forcée de populations chinoises au Tibet et parlé des souffrances de son peuple opprimé. Le dalaï-lama affirme qu’il est devenu un homme politique malgré lui. Et pourtant, si la communauté internationale n’a pas complètement oublié le drame qui s’est déroulé au Tibet, c’est bien grâce à lui et à sa personnalité exceptionnelle. Il ne renonce jamais à son humour, même sous les assauts des appareils photo. A la question d’un journaliste qui lui demandait ce qui le distinguait du Mahatma Gandhi, il a répondu d’un air espiègle : » Nos lunettes ! ». Et si on veut en savoir plus que ce qu’on appelle l’Eveil, et le sien en particulier, il a coutume de répondre avec un sourire amusé par un proverbe tibétain : »Tous les êtres de l’Eveil sont omniscients, mais ils ne savent rien. » Il a retiré du bouddhisme une philosophie de la vie qui l’aide à alléger par le rire et la joie le lourd fardeau de l’existence.
            Depuis 1985, la dalaï-lama se rend régulièrement en Suisse, où réside une importante communauté tibétaine – près de deux mille membres. Jusqu’en 1991, la Suisse, à l’instar d’autres puissances occidentales, voulant ménager ses relations diplomatiques avec la Chine pour des raisons essentiellement économiques, n’avait pas cru bon de le recevoir. En août de cette même année, le président de la Confédération helvétique eut l’initiative courageuse de le rencontrer à Berne. La dalaï-lama remercie chaleureusement les citoyens suisses et les pria de l’excuser par avance des désagréments que cette rencontre pourrait leur valoir ultérieurement. Tenzin Gyatso s’adressa à eux avec cette courtoisie qui ne le quitte jamais, même lorsqu’il parle des ses adversaires politiques, les Chinois, qui privent son peuple des droits élémentaires. Apôtre de la non-violence, son discours n’est jamais inspiré par la haine mais par l’amour, la bonté et la compréhension.
            Le chef spirituel des Tibétains fait exception dans cet environnement politico-religieux conflictuel. Le fanatisme religieux des talibans wahhabites en Afghanistan, qui prêchent la haine et ont recours  à la violence meurtrière, lui est aussi étranger que la théologie de la libération en Amérique latine. Là-bas, le classes dirigeantes ne se maintiennent au pouvoir qu’avec le renfort des escadrons de la mort. En gardant le silence sur des actes révoltants, l’Eglise catholique se fait complice du pouvoir politique. De surcroît, les théologiens de la libération n’hésitent pas à recourir aux armes pour soutenir les populations opprimées des zones rurales et se laissent emporter dans le turbulences du pouvoir et de l’opposition.
     
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    #2
      Tam Tang 18.03.2007 20:50:27 (permalink)
      Une philosophie de la joie dans une vallée de larmes.

       
               Lors de la cérémonie religieuse qui eut lieu en août 1991 pendant la fête nationale du sept centième anniversaire de la Suisse à Zurich, le dalaï-lama entonna avec une profonde ferveur une vieille chanson bouddhiste devant plus de deux mille personnes. A côté de lui, Eugen Drewermann, le célèbre chrétien hétérodoxe de Paderborn, apparut comme un être las et effacé. Le dalaï-lama, comme Démocrite – le grand penseur grec -, pratique une « philosophie de la joie ». Il ne confond pas l’authenticité de la compassion avec la sensiblerie de l’apitoiement.
               Au printemps 1993, j’ai eu l’occasion de retrouver le prix Nobel de la paix à l’occasion de la conférence des droits de l’homme à Vienne. La Chine avait tout fait pour écarter le dalaï-lama, de peur qu’il ne plaide devant les Nations-Unies la cause des six millions de Tibétains victimes d’atrocités sous sa domination. Cette tentative de mise au ban se solda par un intérêt accru du monde pour la cause tibétaine. En revanche, les Chinois ont toujours pris au sérieux la dalaï-lama. Mao aurait dit en apprenant sa fuite réussie : « Je crois que nous avons perdu la bataille du Tibet ». Il n’avait pas sous-estimé ma résistance du peuple tibétain : aujourd’hui encore, après quarante ans de propagande anti-religieuse, le Tibet demeure l’un des pays les plus pieux au monde. La dalaï-lama en exil reste la figure emblématique de la non-violence.
               Nous bavardons… Et ses éclats de rire contagieux ponctuent nos conversations. Une de mes collègues m’a un jour confié qu’il n’y avait rien de tel pour se redonner du courage dans les moments de cafard que d’écouter ces éclats de rire. Un va-et-vient de moines et de collaborateurs dévoués anime les couloirs de cet hôtel. On peut lire sur leur visage le respect que leur inspire le dalaï-lama. Il n’en est pas moins attentif à chacune de mes paroles – ses interlocuteurs sont unanimes pour souligner sa grande capacité d’écoute. Il me répond dans un anglais hésitant et inimitable, sans omettre de saluer tous ceux qui franchissent la porte, car tous sont les bienvenus. L’accueil de l’autre et la sollicitude font partie des vertus cardinales de la doctrine bouddhiste.
       
      Méditation et pouvoir politique.
       
      Le dalaï-lama réunit des qualités exceptionnelles : il associe l’ingénuité de l’enfant touché par la grâce à la détermination de l’homme politique et à la vivacité d’un esprit nourri de philosophie. Il émane de lui à la fois une bonté et une bienveillance qui préviennent inquiétude et méfiance. Il s »exprime simplement, sans aucune affectation, et réussit pourtant à faire vibrer les ressorts les plus profonds de l’âme. La méditation quotidienne y est pour quelque chose : loin d’être pour lui un moyen de se retrancher du monde, elle lui donne la force de préserver son authenticité dans ses multiples rencontres, ses voyages à travers le monde et sa vie de personnalité médiatique. Il se dégage de lui une grande sagesse issue d’une tradition millénaire. Il incarne le bouddhisme tibétain, la forme la plus aboutie et la plus complète qui soit de cette religion  aujourd’hui. Sa pensée très élaborée ne l’empêche pas de savoir mettre à la portée de chacun son message d’humanité.
               Tenzin Gyatso, le XIVè dalaï-lama, est issu d’une famille rurale. Il en a gardé ka robustesse des gens qui travaillent la terre. Formé dans la tradition monacale ancestrale, il «évolue de nos jours, à la différence de ses prédécesseurs, sur la scène politique internationale et se bat pour la cause du peuple tibétain. Il s’intéresse aussi aux nouvelles technologies et aux dernières découvertes scientifiques. Il aime discuter avec les scientifiques occidentaux des progrès accomplis dans leur discipline.
               Le dalaï-lama s’attache à jeter des passerelles entre différents univers : entre le bouddhisme primitif, vieux de deux mille cinq cents ans, et la physique nucléaire, entre la lenteur orientale et l’agitation occidentale , entre les doctrines religieuses et les intérêts politiques, entre la contemplation méditative et l’activité fébrile de la société. Depuis qu’il a reçu le prix Nobel de la paix consacrant ses efforts inlassables pour bâtir un monde plus humain, il est considéré comme l’un des plus grands guides spirituels de notre époque.
       
      Le lac des visions.
       
               La façon dont les Tibétains ont recherché leur chef ne laisse pas d’étonner les Occidentaux. Traditionnellement, c’est au gouvernement de Lhassa que revient la mission de découvrir le nouveau dalaï-lama. Comme chaque dalaï-lama est la réincarnation de son prédécesseur, il faut attendre quelques années après sa mort pour que les dignitaires se mettent en quête de la nouvelle incarnation. A la mort du XIIIè dalaï-lama, en 1933, l ‘Assemblée nationale nomma Reting Rimpoché régent afin d’assurer la transition. Deux ans plus tard, le régent se rendit en compagnie de différents dignitaires sur les rives du lac sacré de Lhamo-Latso, non loin du monastère Chokhorgyal, à cent cinquante kilomètres au Sud de Lhassa. Les Tibétains connaissent ce lac, ils le consultent régulièrement car il est réputé accorder à celui qui vient l’interroger des visions de mondes invisibles au commun des mortels. Reting Rimpoché et sa suite lurent à la surface de l’eau trois syllabes : » Ah, Ka, Ma ». Ils virent aussi apparaître un monastère aux toits de tuiles dorées et vertes ainsi qu’une petite ferme aux ardoises bleu turquoise. Ils se gardèrent bien de divulguer cette vision.
               Voilà de quoi surprendre les Occidentaux imperméables à ces récits qu’ils assimilent à des contes. Ces moines sillonnant le toit du monde en quête des signes révélateurs rappellent l’histoire des trois rois mages à la recherche de l’Enfant Jésus. De nos jours encore, le dalaï-lama et son gouvernement consultent l’oracle Nechung même sur des questions dordre politique. Intermédiaire entre le monde terrestre et le monde spirituel, l’oracle possède des dons de claivoyance dont Tenzin Gyatso, l’actuel dalaï-lama, ne dispose pas, comme il le précise lui-même.
               Quand on l’interroge sur la vision de Reing Rimpoché au lac sacré de Lhamo-Latso, le dalaï-lama répond avec son humaour laconique : » Ce n’est que l’ancêtre de la télévision. » Mais cette pratique est courante au Tibet depuis des millénaires ; les sciences dites exactes n’ont pas encore étudié ces techniques de concentration qui permettent d’aller au-delà de la surface des choses. Pour les grands lamas, ces phénomènes qualifiés  paranormaux sont normaux ; alors, pourquoi devraient-ils s’en préoccuper ? Ils ont mieux à faire : leur objectif essentiel est d’amener leur conscience vers la sollicitude aimabte envers tous les êtres.
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      #3
        Tam Tang 18.03.2007 20:53:16 (permalink)
        Le lama de Sera veut des preuves
         
        En 1937, on décida d’envoyer différentes délégations à la recherche  de ces bâtiments qui avaient été aperçus à la surface du lac sacré. S’ajoutait à la vision un autre indice. Le corps du XIIIè dalaï-lama défunt avait été placé sur son trône, le visage dirigé vers le sud. Or, un peu plus tard, la tête s’était tournée vers l’est. On concentra dons les recherches dans cette direction. Kwetsang Rimpoché, du monastère de Sera, et sa délégation découvrirent au nord-edt de la province d’Amado, dans le Dokham, le monastère de Kumbum avec ses toitures dorées et vertes, puis un peu plus loin, dans un hameau voisin à Trakster, une ferme couverte de tuiles turquoises. Ces deux bâtiments correspondaient à la vision. Avant que les trois moines ne pénètrent dans la maison, Kwetsang Rimpoché échangea ses vêtements avec ceux de son serviteur. Ilprit soin de conserver sur lui le rosaire du XIIIè dalaï-lama.
                 Dès que le prétendu domestique  se fut installé dans la cuisine, Laos Thonier, né le 6 juillet 1935, et alors âgé de deux ans, grimpa spontanément sur ses genoux et s’empara sur-le-champ du rosaire. Le Rimpoché promit à l’enfant le chapelet à conditionqu’il devine son identité. Le garçonnet lui répondit sans attendre : »Tu es le lama de Sera. » Et il ajouta dans la foulée les noms des deux autres lamas qui faisaient partie de la délégation. Le Rimpoché lui fit ensuite subir d’autres épreuves.
                 Il lui présenta des objets dont certains avaient véritablement appartenu au dernier dalaï-lama décédé, et d’autres non, en particulier deux rosaires noirs, deux jaunes et deux moulins à prières. L’enfant reconnu sans difficulté ceux du défunt. Quand il dut choisir entre les deux bâtons de pèlerin, il hésita puis prit le bon. Ce choix renforça les présomptions de lama. Tout laissait à penser que l’enfant était effectivement la réincarnation du feu XIIIè dalaï-lama. En effet, les deux bâtons lui avaient bien  appartenu, mais celui sue l’enfant avait choisi était celui que le dalaï-lama utilisait couramment, alors que, ne se servant jamais de l’autre, il l’avait offert en cadeau.
         
        Le seigneur du Lotus blanc monte sur le trône.
         
        Tout le monde s’accorda à penser que le syllabe « Ah » aperçue sur les eaux du lac renvoyait au district d’Amado, « Ka » indiquait le monastère de Kumbum et « Ma » le monastère de Karma Polpai Dorje. Le XIIIè dalaï-lama y avait fait halte à son retour de Chine. *tous ces détails significatifs confirmaient les quasi-certitudes des enquêteurs . Mais Ma Pou-Feng, le gouverneur musulman de la région à la solde de la Chine, se refusait à laisser partir l’enfant et réclamait une rançon. Les négociations furent âpres. Il fallut attendre 1940 et le versement d’une forte somme pour que l’enfant, alors âgé de cinq ans, et sa famille fussent autorisés à gagner la capitale.
                A Lhassa, il reçut le nom de Tenzin Gyatso et fut reconnu officiellement comme le XIVè dalaï-lama . Le jour de son intronisation, on lui donna encore d’autres noms : »Le Seigneur de Lotus blanc, le Joyau-qui-exauce-tous-les-désirs, Le Précieux Victorieux, Le Maître Icomparable ». Les Tibétains se contentent de l’appeler Kundun, ce qui signifie dans leur langue « La Présence ». C’est à cette époque que l’enfant fit ses premiers pas sur un chemin difficile. Il ne pouvait pas imaginer ce qui l’attendait.
         
        Bonnets jaunes et bonnets rouges.
         
        On ne peut comprendre le rôle du dalaï-lama sans donner quelques explications préalables. Il est à la fois le chef religieux et politique du Tibet, et il dirige l’ordre des Gelong-Pa, « ceux qui pratiquent la vertu », également appelé ordre des bonnets jaunes en raison des coiffures que portent ses membres. Vient ensuite par ordre d’importance dans la hiérarchie l’école des bonnets rouges, la kagyü, avec à sa tête le karmapa. E, 1992. le dalaï-lama désignait Ugyen Trinley, tout juste âgé de quatorze ans, comme le XVIè karmapa. Au début de l’an 2000, ce dernier a fui son monastère tibétain de Tsurphu et traversé l’Himalaya pour rejoindre la province de Dharamsala, dans le nord de l’Inde.
                 La dalaï-lama et la karmapa sont pour les bouddhistes des bodhisattvas, c’est-à-dire des êtres qui aspirent au grand Eveil. A leur mort, ils parvienront dans le nirvana, mais par miséricorde (karuna) ils renonceront au nirvana jusqu’à cve que tous les êtres soient eux-mêmes délivrés. Ils sont des réincarnations du bodhisattva Chenserig (personnification d’une déité singulière qui veille sur le Tibet) ; littéralement, le mot chenserig signifie en tibétain « celui qui voit ».
                 Chenresig est le saint patron du Tibet. Rien ne se passe au pays des Neiges éternelles sans son intervention. Le roi Srong-stan-gampo (620-649), le « Père du peuple tibétain », est considéré comme sa réincarnation. La progression sur la voie spirituelle commence par l’élévation du cœur vers l’Eveil (bodhichitta), marquée par la prononciation d’un vœu (pranidhana), promesse faite d’atteindre la perfection.
         
        Le gérant des traditions religieuses.
         
                 Sous l’autorité des dalaï-lamas, le Tibet est devenu au cours des siècles un Etat religieux avec des institutions monastiques fortement hiérarchisées. La Révolution culturelle chinoise a détruits les fondements de cet édifice. Iln’en demeure pas moins que le dalaï-lama se porte garant de la libre pratique de tous les courants religieux issus de  la tradition bouddhiste au Tibet, mais aussi de croyances plus anciennes telles que le boen ou la religion musulmane, qui cohabitent sur le toit du monde.
                 Tout de suite après le dalaï-lama dans la hiérarchie ecclésiastique, se trouve le panchen-lama, considéré comme la réincarnation du très populaire Bouddha Amitaba. A la mort d’un dalaï-lama, le panchen-lama était considéré jusqu’àprésent comme son représentant spirituel. Le dernier panchen-lama est mort subitement en juillet 1989, dans des circonstances qui restent à ce jour inexpliquées.
                 En 1995, le dalaï-lama lui nommait un successeur, âgé de six ans : Gendum Choeki Nyima. Les Chinois ripostèrent en d »signant un panchen-lama de leur choix. On ne sait rien du sort que la Chine a réservé à Nyima et à ses parents. A en croire les rumeurs, il aurait été exilé dans une provne reculée du Tibet. Les Tibétains en exil considèrent Myima comme le plus jeune prisonnier politique du monde. Il semble que Péki, ait donné récemment son accord pour que les dignitaires religieux nommés par le dalaï-lama participent à se recherche.
                 Lorsque le Ddalaï-lama arrive tout enfant au palis du Potala, il fut confié à Ling Rimpoché et à Trijang Rimpoché, qui se chargèrent de se formation religieuse. Il ne retrouvé ses parents, désormais, anoblis, qu’un mois après son arrivée. Il fir grande impression pas ses facultés intellectuelles précoces. Heinrich Harrer, célèbre en Europe pour son livre Sept ans au Tibet, rapporte que le jeune dalaï-lama faisait déjà preuve à l’époque d’une grande indépendance d’esprit. Il se démarquait ainsi d’un bon nombre de ses prédécesseurs qui, toute leur vie durant, n’avaient été que des marionnettes sous la coupe de leurs maîtres et s’étaient laissé dessaisir du pouvoir en faveur du régent.
                 Harrer, qui fit partie durant un temps des proches du petit dalaï-lama, brosse de lui un portrait étonnant : »Cet enfant possédait une intelligence prodigieuse. Il lui suffisait de lire un livre une seule fois pour le connaître par cœur. Très tôt, il s’intéressa aux affaires de l’Etat, critiqua ou félicita l’Assemblée nationale pour ses décisions «. Ce n’est qu’à l’âge de quinze ans que le dalaï-lama aborda l’enseignement religieux. 
         
        Très tôt appelé aux affaires de l’Etat.
         
        Lorsque la Chine communiste se fit plus menaçante, le dalaï-lama, tout juste âgé de seize ans à l’époque, prit en main les rênes du pouvoir politique. Comme ses prédécesseurs, il tenta de démocratiser le Tibet, soumis à un régime strictement théocratique, mais il rencontra une forte opposition. Il voulut abolir la loi sur les dettes transmises par succession qui condamnaient de nombreuses familles à la pauvreté. Cela contraria beaucoup la noblesse tibétaine, qui se sentait atteinte dans ses privilèges. Il voulut mettre en place un enseignement démocratique pour tous. Ce dalaï-lama réformateur déplaisait fortement à l’occupant chinois, qui voulait s’arroger le mérite de libérer le peuple tibétain du système féodal.
                 Le dalaï-lama fut subitement projeté sur la scène politique internationale et devint un homme politique à son « cœur défendant ». Ses premiers pas furent hésitants. Les Chinois réduisent de plus en plus l’autonomie accordée au Tibet. En 1954, il se rendit avec le panchen-lama à Pékin, où il tenta en vain de négocier avec Mao Zedong et Zhou Enlai la liberté du Tibet. En 1956, il rencontra en Inde le Premier ministre Nehru. Mais ce dernier le reçut en tant que chef religieux et ne lui accorda aucun soutien sur le plan politique .
                 Alors que la situation des Tibétains se dégradait dramatiquement, le dalaï-lama préféra s’exiler en Inde, emmenant avec lui près de cent mille Tibétains, et fonda à Dharamsala un gouvernement en exil. L’une de ses principales préoccupations reste encore aujourd’hui de faciliter l’implantation de nombreux compatriotes qui le rejoignent en Inde. En 1963, il rédigea une constitution garantissant au peuple tibétain un régime démocratique. La communauté internationale n’accorda à cette époque aucune attention à ce gouvernement en exil – à l’exception de deux ou trois résolutions sans lendemain de l’ONU. A la différence de Nehru, il n’a jamais été reconnu en sa qualité de chef politique ; les politiciens occidentaux l’ont cantonné dans sa fonction de chef religieux.
                 Lorsque la République populaire de Chine fit son entrée aux Nations-Unies, la question tibétaine fur mise sous le boisseau jusqu’en 1991. La Chine représentait un marché potentiel non négligeable que convoitaient les pays désireux d’établir des relations commerciales avec ce pays. En soulevant la question des atteintes aux droits de l’homme, ils craignaient de se fermer un marché intéressant. En juin 1993, lors de conférence à Vienne, la Chine obtint l’exclusion du dalaï-lama dans les négociations. Alois Mock, le ministre autrichien des Affaires étrangères, et président pour l’heure de la conférence, intervint pour lever cette interdiction. A l’occasion de sa vingt-deuxième visite en Allemagne, en 1999, le dalaï-lama fut reçu par le ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, et par le ministre de l’Intérieur Otto Schily. Lors de ses entretiens, le dalaï-lama plaida pour une solution d’entente avec Pékin sur la base d’une véritable autonomie culturelle du Tibet. ; il ne modifie rait pas sa politique à l’égard de la Chine.
         
                 En août 2000, la République populaire de Chine exerça de telles pressions que le dalaï-lama fut encore écarté du Millenium à New-York. Ce colloque réunissait plus d’un millier de chefs religieux, toutes confessions confondues, avec pour objectif l’éradication des tensions d’origine religieuse en vue de l’établissement de ma paix dans le monde ; la protection de l’environnement et la lutte contre la pauvreté étaient aussi à l’ordre du jour. Le organisateurs proposèrent en guise de compromis une rencontre parallèle, à l’hôtel Waldorf Astoria de New-York. Le dalaï-lama y fut invité à prononcer à l’allocution finale. N’ayant pas l’intention de créer des différends entre les Nations, le chef tibétain déclina officiellement l’invitation.
                 Le Pape prit un peu plus tard l’initiative de recevoir la daläi-lama, puis Carlos Santos, président du Mexique, le reçut à son tour. En  1990, Vaclac Havel, le président de la Tchécoslovaquie, l’invitait en qualité de dirigeant politique. Les relations semblaient vouloir se dégeler. Les rencontres se succédèrent ensuite : en 1991 avec George Bush et le Premier ministre anglais, John Major, avec Gro Herlem Brundtland, le Premier ministre norvégien ; en 1993 avec Bill Clinton et Thomas Klestil ; en 1996 avec Nelson Mandela ; enfi, en 1998, avec Jacques Chirac et Lionel Jospin au palais de l’Elysée. Dans son combat inlassable pour le Tibet, le dalaï-lama a parcouru le monde entier, visitant plus de vingt-cinq pays. Depuis 1957, la dalaï-lama a reçu plus de cinquante-six distinctions honorifiques ; le Prix Nobel de la paix est venu couronner son œuvre en 1989. Sa Sainteté s’est vu décerner vingt-six fois le titre de docteur honoris causa ; il est titulaire d’uen chaire de professeur dans deux universités russes et a écrit plus d’une cinquantaine de livres.
                 Jusqu’à ce jour, aucun Etat n’a reconnu officiellement son gouvernement. Son autorité est même parfois contestée parmi les Tibétains, comme le souligne le journaliste By Huitzi dans le journal des Tibétains en exil, Lungta (n°7, page 24), car la dévotion sans borne des Tibétains pour leur chef est plutôt un obstacle au processus de la démocratisation de la communauté en exil. Il demeure le Maître absolu et incontesté ; il ne viendrait à l’idée de personne de critiquer son autorité, sous peine de paraître vouloir se placer au-dessus de lui. Par ailleurs, le dalaï-lama reste prisonnier d’un monarchisme auquel il ne peut lui-même rien changer. En revanche, très peu de Tibétains vivant à l’étranger partagent ce point de vue.
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        #4
          Tam Tang 18.03.2007 20:55:39 (permalink)

          Du Potala à Dharamsala
           
          A la différence de ses prédécesseur, Sa Sainteté le XIVè dalaï-lama ne vit pas en vase clos dans le gigantesque palais du Potala. L’ancienne résidence d’hiver des dalaï-lamas à Lhassa, le palais aux mille salles, avec son école de fonctionnaires, son monastère et ses temples, symbolisait le système politique et religieux en vigueur au Tibet. « Nous étions paralysés par un protocole rigide, se souvient le dalaï-lama, c’est à peine si nous pouvions parler et respirer. Vue sous un certain angle, la fuite de Lhassa fut une bénédiction pour moi. J’ai mûri à travers cette épreuve mon approche de la religion et j’ai fait l’expérience tangible de la fugacité des choses ».
                   Depuis son exil en Inde, Il mène la vie modeste d’un simple moine et se consacre aux intérêts de son peuple. Los de ses conférences, Tenzin Gyatso s’efforce d’encourager l’ouverture aux peuples et aux cultures en vue d’une harmonie et d’une paix universelles. Dans son discours accessible à tous , il plaide avec insistance en faveur d’une reconnaissance du partage des responsabilités qui, seule, permettra d’affronter les dangers menaçant l’humanité : »Ne restons pas indifférents aux souffrances et aux misères, partageons-les ! » L’universalité de sa pensée abolit les frontières et les barrières culturelles.
                   Ce livre retranscrit les conversations que nous avons eues en Suisse et en Autriche par intermittence pendant cinq ans. Afin d’en féliciter la compréhension, j’ai cru bon d’y ajouter quelques commentaires et explications. La tâche n’était pas aisée, les barrières linguistiques représentaient autant d’obstacles qu’il a fallu franchir. J’espère être parvenue à rendre compte d’une pensée simple mais terriblement complexe.
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          #5
            Tam Tang 28.03.2007 05:05:14 (permalink)
            ENTRETIENS
             
            L’HOMME
             
            Un homme ordinaire

            Felizitas von Schönborn: Bien peu de gens connaissent le Tibet et le bouddhisme. En revanche, il suffit de parler du dalaï-lama pour attirer immédiatement l’attention. Le mot évoque pour un Occidental de mystérieuses résonances qui l’entraînent au pays des Neiges éternelles. Des hommes vêtus de costumes aux couleurs chatoyantes rivalisant avec celles des thankas, splendides broderies et peintures murales, apparaissent devant nos yeux.
                   Mais que signifient pour vous le titre de dalaï-lama ?

            Sa Sainteté : Comme vous pouvez bien l’imaginer, nombreux sont ceux qui non seulement m’estiment mais surtout comptent sur moi. Je n’en reste pas moins un homme ordinaire, un simple moine qui a fait vœu de dévouement et d’abnégation. Chaquz jour, je m’efforce de déployer toute mon énergie dans ce sens. Cela porte un nom : bodhicitta, littéralement l’éveil de la conscience qui suppose la ferme résolution de tout mettre en œuvre pour améliorer le bien-être des autres. Je n’ai pas d’autre souhait. L’éveil de la conscience est le but que je cherche à atteindre, me permettant ainsi d’aider mon prochain à s’affranchir de la souffrance. Une supplique datant du VIIIè siècle illustre cette disposition : » Aussi longtemps que l’espace et le temps existeront, aussi longtemps qu’il y aura des êtres vivants condamnés à parcourir les cycles d’existences successives, que je demeure parmi eux afin de les délivrer de leurs souffrances. »
                   Nous autres, bouddhistes tibétains, croyons que le dalaï-lama est la réincarnation d’Avalokitésvara, en tibétain Chenresig. Il est le bodhisattva (aspirant à la « bouddhéité ») de la grâce et le protecteur de tout être vivant. Je suis moi-même la soixante-quatorzième réincarnation du Bouddha Sakyamuni ( le sage issu de la famille des Sakyas, 560 avant Jésus-Christ). Nous croyons aux êtres, aux grands lamas, ou tulkus (réincarnation d’un maître ou d’un sage décédé), qui peuvent par eux-mêmes décider de leur renaissance. La dalaï-lama appartient à cette lignée dont la première réincarnation remonte à l ‘année 1351. Ces renaissances successives nous permettent d poursuivre notre œuvre. D’où l’importance à la mort d’un dalaï-lama de rechercher son successeur. Selon nos croyances, il y a une filiation spirituelle entre monprédécesseur et mo. Il m’a transmis en héritage son karma, qui me permet d’assumer à mon tour la fonction de dalaï-lama.

            Un océan de sagesse

            Que signifie exactement « dalaï-lama » ?

            Lama signifie « maître inégalé ». Dalaï est un mot d’origine mongol qu’on pourrait traduire pas « océan ». Dans le sens le plus abstrait, dalaï-lama signifie « Océan de sagesse ». Selon la tradition, il fut attribué en 1578 par le souverain mongol Altan Khan à son guide spirituel Sonam Gyatso. Il se peut bien que le mot gyatso, qui signifie en tibétain « océan », ait été traduit en mongol par dalaï . Jusqu’à la cinquième réincarnation, les dalaï-lamas n’exerçaient que des fonctions religieuses. Ce n’est qu’avec la venue du Vè dalaï-lama que s’opère un transfert de pouvoir. Le Vè dalaï-lama devient l’autorité suprême du Tibet. Les pouvoirs spirituel et temporel sont désormais entre les mains d’une seule et même personne.
             
            Le but de mon existence : servir mon prochain
             
            En Europe, l’alliance du pouvoir religieux et du pouvoir temporel n’a jamais fonctionné de manière satisfaisante. Comment a-t-il été possible au Tibet de concilier l’abnégation du moine avec l’ambition politique du chef d’Etat ?

                   Servir mon prochain est le but de mon existence, que ce soit en qualité de moine ou de chef d’Etat. Les six millions de Tibétains attendent beaucoup de moi. Je porte sur mes épaules le poids lourd des responsabilités. Si j’aide mon peuple et si je lui consacre toute mon énergie, j’en retire aussi, bien entendu, beaucoup de satisfaction.
                   Je m’efforce d’être à la hauteur de la tâche qui m’incombe. Si remplis véritablement bien ma mission, j’apporte la preuve que l’institution a encore une raison d’être. Quant à moi, indépendamment de la réussite ou de l’échec, il m’importe de conserver mon intégrité et ma sincérité. A cette fin, je dois faire preuve de lucidité dans l’analyse des motivations qui me poussent à agir.
            µAdmettons que le peuple tibétain s’imagine qu’un seul home, moi en l’occurrence, qit le pouvoir de le libérer de son joug : réalisez un peu ma position, elle est très risquée. JE ne parle pas seulement de ce qui se passe actuellement. Je pense à l’avenir et aux solutions qui assureront le bien-être et la survie des générations futures. Voilà mon principal souci.
                   Je n’ai pas été préparé à remplir cette mission. Lorsque j’ai pris la tête du gouvernement, en 1950, à l’âge de quinze ans, je n’avais aucune formation politique. Le fonctionnement de la diplomatie m’échappait complètement. Depuis, j’ai acquis de l’expérience, surtout pendant ces dix dernières années, en rencontrant des responsables gouvernementaux et diverses personnalités.
             
            A la grande école de la vie

            Votre Sainteté, vous dites n’avoir pas été suffisamment préparé à tenir le rôle que vous jouez aujourd’hui sur la scène politique internationale. Un dalaï-lama ne bénéficie-t-il pas d’une formation particulière ?

                   J’ai reçu une formation semblable à celle que reçoivent tous les moines. Vers treize ans, j’ai abordé la philosophie, la juste définition des concepts, l’art de la rhétorique et la calligraphie. Parallèlement à ces exercices d’écriture, j’apprenais des textes sacrés par cœur. Mon emploi du temps comprenait l’apprentissage de plusieurs matières principales : la dialectique, l’art et la culture tibétains, la grammaire, la philosophie, la médecine et la philosophie bouddhiste. S’ajoutaient à cela cinq matières annexes : la poésie, le théâtre et la musique, l’astrologie, la poétique  (métrique, expression et vocabulaire). Pour obtenir le doctorat, trois matières suffisaient ; la philosophie bouddhiste la logique et la dialectique, ainsi que la théorie de la connaissance. En 1959, je passais mon dernier examen, qui consistait en une joute verbale devant un millier de personnes. J’avais terminé mes études. Je reçus le titre de geshe, la plus haute distinction dans les études philosophiques. Peu après, je quittais le Tibet pour l’Inde.
                   Parallèlement à cette formation théorique, je pratiquais quotidiennement la méditation, qui a été une grande source d’enrichissement. Il y a deux types de méditation : l’une permet d’acquérir la concentration et la sérénité de l’esprit, tandis que l’autre, dire analytique, vise l’acquisition d’une intelligence plus profonde des choses. En ce qui me concerne, je me concentre principalement sur la compassion, je m’attache à) isoler le Moi de l’Autre, à reconnaître l’interdépendance des phénomènes et des êtres, et plus particulièrement des hommes. Je prie, m édite et étudie environ cinq heures par jour, voire plus. Mais la prière est là à chaque instant de ma vie, dès que l’occasion s’en présente. Nous avons des prières adaptées à chacune de nos actions. La prière et la religion font partie intégrante de notre vie quotidienne.
            C’est à la grande école de la vie que j’ai le plus appris quand il m’a fallu relever des défis et affronter les nombreuses difficultés rencontrées par mon peuple. Par mon destin de réfugié, j’ai été souvent confronté à des situations quasi désespérées. Je n’ai pas eu le choix, il m’a fallu faire face à la réalité. Devant les menaces constantes, j’ai dû faire preuve d’une extrême détermination et d’une grande force intérieure. Surtout ne pas me décourager, et rester confiant. Je ne serais pas aujourd’hui ce que je suis sans la pratique de la méditation.
             
                   Au Potala, le temps s’écoule à sa guise
             
            Vous avez été très tôt séparé de votre famille. N’avez-vous pas eu le sentiment d’être totalement coupé du monde dans le gigantesque palais du Potala ?

            La vie d’un dalaï-lama était soumise à un protocole très strict. Mes journées se déroulaient selon un emploi du temps immuable. Mais je n’en ai aucun souvenir précis. Les Tibétains se préoccupent assez peu des heures qui défilent. Les choses débutent et s’achèvent quand elles le doivent, sans précipitation. Paradoxalement, je me suis intéressé aux montres dès mon plus jeune âge. J’étais l’exception qui confirme la règle. Et aujourd’hui, réparer une montre reste encore une de me occupations favorites.
                   Enfant, je n’aimais pas tout le cérémonial qui m’entourait. JE me sentais très bien en compagnie du chef cuisinier. Mes serviteurs me traitaient comme n’importa quel autre petit garçon. J’ai très tôt découvert en les fréquentant la dureté des conditions de vie des gens simples. Ils me racontaient les injustices et les décisions arbitraires de certains hauts fonctionnaires et lamas. J’ai ainsi compris assez vite combien il était important pour un dirigeant de ne jamais perdre le contact avec la base. Aucun chef d’Etat n’est à l’abri de l’influence de ses conseillers et de ses fonctionnaires qui privilégient leurs intérêts personnels aux dépens de ceux de la collectivité. Il faut rester attentif aux véritables préoccupations du peuple.
             
            Le lotus blanc pousse dans la vase.
             
            Vous avez dit que le dalaï-lama est la réincarnation d’un bodhisattva. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie ?
             
            Pour nous, un bodhisattva est un être qui a connu le Grand Eveil et qui, par compassion, renonce à la bouddhéité, c’est-à-dire  au « Parfait Eveil », jusqu’à ce qu’il ait conduit tous les êtres vivants à la délivrance. Un bodhisattva peut décider lui-même de renaître ou non. Il prend librement la décision de demeurer dans le cycle des renaissances (samsara) pour apporter son soutien aux autres. En souffrant lui-même, il partage la souffrance des autres et les en affranchit. Cela s’appelle « la pratique du don et du renoncement », par laquelle on fait le sacrifice de son bonheur personnel pour alléger le malheur de son prochain. Le bodhisattva, maître de ses désirs et de ses souffrances, est symboliquement représenté par un lotus blanc. Bien que cette merveilleuse fleur pousse dans la vase, ses pétales restent toujours d’une blancheur immaculée. Elle représente la force qui permet de supporter les aléas du devenir et de la mort. Bodh désigne le faculté de comprendre la véritable essence de la réalité, la sagesse ; et un sattva est quelqu’un qui agit par compassion universelle. Le bodhisattva nous montre l’idéal vers lequel nous devons tendre, un idéal de compassion illimitée nourri d’une sagesse infinie.
            Pour ma part, je ne jouis d’aucun statut privilégié. J’observe les deux cent cinquante-trois règles de mon ordre. Les trois premiers commandements interdisent au moine de tuer, de voler, de mentir. La quatrième concerne l’abstinence, que le moine doit respecter strictement. L’observance de la règle ne me met pas à l’abri de toutes les distractions et de tous les soucis de la vie quotidienne.
            <bài viết được chỉnh sửa lúc 28.03.2007 05:11:32 bởi Tam Tang >
            #6
              Tam Tang 30.03.2007 04:33:03 (permalink)
              La politique du sourire
               
              On voit souvent des photos de lamas tibétains habillés en somptueux vêtements d’apparat. Vous avez opté pour la sobriété. Pour quelle raison ?
               
              Je porte l’habit traditionnel des moines tibétains. Il est composé de plusieurs pans de tissu, comme s’il avait été rapiécé. Il est le symbole du dénuement.
              Mais l’habit ne fait pas le moine. Dans la tradition tibétaine, les grands lamas sont souvent magnifiquement vêtus. Ils portent des bonnets de couleur et de forme différentes., signes distinctifs de leurs fonctions. Chaque fois que je rencontre un lama richement vêtu, je lui rappelle que notre maître Bouddha allait toujours tête nue et que nous sommes ses disciples. Bouddha aurait pu se permettre de s’habiller somptueusement parce qu’il était le Maître, mais il préféra rester un simple moine. On peut s’habiller de façon élégante et porter des bijoux, mais c’est de laisser abuser par l’illusion d’une apparence trompeuse. La compassion, l’amour, un sourire chaleureux, un regard bienveillant me semblent être les parures les plus précieuses au monde. Un visage fermé, embelli artificiellement, ne sera pas plus aimable.
              Je vais même jusqu’à penser que, si j’allais la mine sombre et l’air renfrogné, moins nombreux seraient qui prendraient fait et cause pour le Tibet. Je suis un partisan de la politique du sourire.
               
              Au Tibet de choisir son destin
               
              Votre Sainteté, vous considérez que le système politique tibétain est désormais inadapté et vous avez, dans votre projet d Constitution établi en 1963, réduit le pouvoir du dalaï-lama. Dans votre discours de Strasbourg en 1988, vous avez prétendu ne pas vouloir jouer le rôle actif dans le futur gouvernement. La fonction de dalaï-lama se limiterait-elle alors à celle de chef spirituel ?
               
              Je ferai tout ce qui et en mon pouvoir pour défendre les intérêts de mon peuple. En revanche, je suis décidé à me défaire de cette fonction politique une fois que le Tibet aura gagné sa liberté. Je ne serai alors plus qu’un guide spirituel.  A l’origine, le dalaï-lama n’exerçait qu’une charge religieuse. JE remettrai le pouvoir politique à celui que le peuple tibétain aura choisi démocratiquement.
               
              Le retour à Lhassa
               
              Quelles sont les conditions de votre retour au Tibet ?
               
              La majorité des Tibétains vivant à l’intérieur du pays, en particulier les jeunes, pensent que le moment n’est pas encore venu pour moi de rentrer au Tibet. Selon eux, je serais plus apte pour l’instant à représenter de l’étranger les intérêts de mon peuple. L’unique condition de mon retour est que la Chine accepte mes propositions et que mon peuple approuve la nouvelle situation politique qui en découlera.
               
              Les pèlerins : ces passeurs de nouvelles
               
              Avez-vous un représentant au Tibet ?
               
              Il n’y a personne à l’intérieur du pays. Les seules nouvelles qui nous parviennent nous sont transmises par les Tibétains qui se rendent en pèlerinage et retournent ensuite au pays. D’autres nous arrivent par l’intermédiaire de gens autorisés à aller voir leur famille au Tibet. Cela nous permet de faire passer beaucoup d’informations. Sans compter l’aide des médias : une émission tibétaine sur la radio indienne ainsi qu’une autre sur La Vois de l’Amérique.
               
                     Un nouveau dalaï-lama ?
               
              Y aura-t-il une quinzième réincarnation du dalaï-lama ? Votre Sainteté, vous avez laissez entendre qu’il se pourrait que vous soyez le dernier dalaï-lama !
               
              Il faut replacer ces propos dans le contexte des relations avec la Chine, qui réduit la question de Tibet à une affaire de personne. La dalaï-lama et les Tibétains en exil dérangent les Chinois. Nous n’avons pas l’intention de rétablir le vieux système féodal au Tibet. Ce serait de toute façon impossible et anachronique. Cette forme d’organisation de l’Etat ne correspond plus aux aspirations de notre peuple. Si le peuple tibétain pense pouvoir se passer aujourd’hui de l’institution religieuse, la fonction de dalaï-lama n’a plus de raison d’être. Dans ce cas, j’aurai été le dernier. Mais si les circonstances l’exigent, un nouveau dalaï-lama verra le jour. Et si l’Histoire prend un autre tournant, il faudra en assumer les conséquences. Quand bien même les systèmes politique se modifieraient, le cœur humain reste constant dans se aspirations au bonheur et à la liberté. Ce sont les véritables moteurs du développement et du progrès, tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel. Cela vaut aussi pour mon peuple.
              #7
                Tam Tang 02.04.2007 04:21:51 (permalink)
                LE BOUDDHISME TIBETAIN
                 
                       De l’actualité des « Quatre Nobles Vérités »
                 
                Dans la doctrine tibétaine, les lamas jouent un rôle important. Est-il juste de qualifier de courant abâtardi, issu de la doctrine primitive indienne, la forme particulière prise par le bouddhisme au Tibet ?
                 
                Ce serait faire preuve d’une méconnaissance totale du bouddhisme tibétain que de le qualifier de déviation du bouddhisme primitif. Les moines et les religieuses se distinguent par leur aspect extérieur, mais, en ce qui concerne les fondements de la doctrine, nous nous référons aux dogmes établis à partir des grands textes sacrés du bouddhisme, aux « Quatre Nobles Vérités ». L’idée force de la pratique religieuse bouddhiste est d’abord de ne jamais chercher à nuire et de faire tout son possible pour aider son prochain. Nous autres Tibétains sommes des mahayanistes, les disciples de l’école du « Grand Véhicule », traduction fidèle du mot « mahayana ». Le sacrifice de soi et l’altruisme sont les deux vertus cardinales de notre religion. Toutes nos pensées et nos actions sont orientées vers le bien-être de l’autre tandis que, dans l’ancien hinayana, le « Petit Véhicule », il suffisait dans le  domaine du salut pratique de ne pas porter préjudice à autrui.
                 
                A chacun son mode d’expression
                 
                Le mahayanisme compte en son sein plusieurs écoles et courants de pensée qui se sont formés au cours du temps. Des moines d’obédiences différentes cohabitent à l’intérieur d’un même monastère. A la différence du dogmatisme occidental, l’existence de ces courants philosophiques n’a pas conduit au schisme. Pourquoi ?
                 
                L’introduction du bouddhisme au Tibet s’est faite progressivement, par l’intermédiaire de plusieurs moines et à des époques différentes. C’est ainsi que se sont constituées des traditions différentes, chacune d’elles ayant une approche philosophique spécifique. Mais, il n’y a aucun désaccord sur le fond. A chacun son mode d’expression.
                 
                Les joutes verbales
                 
                L’art du débat fait partie des disciplines enseignées aux futurs moines. Les joutes philosophiques se déroulent selon certaines règles qui s’apparentent à un rituel. Elles favorisent peut-être la coexistence paisible des différents courants : qu’en pensez-vous ?
                 
                C’est possible. On juge des facultés intellectuelles d’un moine à la façon dont il manie l’art de la conversation. Le débat se déroule de la façon suivante : deux moines se posent alternativement des questions. Ce faisant, ils doivent adopter des postures corporelles précises. Celui qui lance le défi frappe dans ses mains et martèle le sol de son pied, marquant ainsi sa volonté d’ouvrir le débat. Le ton peut monter et devenir très vif. Chacun tente de contrecarrer les arguments de son adversaire. Il s’agit de faire  preuve de vivacité, d’humour et d’esprit. Ces échanges sur des sujets philosophiques et religieux ne conduisent jamais à des confrontations personnelles. Et les moines, lorsqu’ils quittent l’ »arène » après une vive joute oratoire, n’en garde aucun ressentiment envers leur adversaire. Les joutes étaient autrefois fort prisées des Tibétains, quel que soit leur niveau d’instruction. Les auditeurs pouvaient passer des journées entières assis à écouter dans les cloîtres ces discussions dont ils ne comprenaient sans doute pas la moitié des subtilités intellectuelles.
                 
                Une religion athée
                 
                Pour nous, les chrétiens, une religion ignorant l’existence d’un Dieu créateur est une religion athée, donc un paradoxe en soi. Le bouddhisme tibétain nie, si je ne me trompe pas, à la fois, une croyance en un Dieu unique et l’incroyance ?
                 
                Le bouddhisme et le jaïmisme sont des religions qui refusent l’existence d’un Dieu conçu comme un être personnel. Leur doctrine fait l’économie de ce présupposé. Les religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam admettent un Dieu créateur. Chaque religion donne sa version de la genèse du monde et son interprétation du principe de causalité qui conditionne le bonheur et le malheur.
                Le bouddhisme est une religion athée, au sens où nous ne croyons pas en un Dier créateur. Mais notre panthéon est peuplé d’êtres supérieurs qui ont cheminé sur la voie de l’Eveil jusqu’à atteindre le Parfait Eveil, la perfection de la bouddhéité. Tout être vivant possède en lui la capacité d’accomplir cette transformation spirituelle. Nous pensons qu’il existe différentes manières d’être au monde. C’est en cela que les grandes religions se distinguent.
                Les Quatre Nobles Vérités sont la base de la religion bouddhiste. Nous vivons dans un monde sans Dieu, tandis que d’autres religions partent de l’affirmation d’un Dieu créateur autour de laquelle elles construisent leur doctrine. En revanche, toutes sont unanimes à penser que l’amour et la compassion rendent l’homme meilleur. Dans notre religion, l’infinie compassion envers tous les êtres vivants (mahakaruna) est le pivot autour duquel s’articule notre pensée.
                 
                La logique des enseignements de Bouddha.
                 
                S’il n’y a pas de Dieu personnel, à qui adresse-t-on les prières ?
                 
                Dans les religions monothéistes, les croyants accablés par les difficultés de leur existence supplient Dieu de les secourir. Pourquoi ce tout-puissant Dieu de bonté permet-il tant de souffrances et d’injustices ? La question reste suspens. De là à penser qu’un Dieu qui laisse venir au monde des hommes dont la vie ne sera que douleurs et tourments est cruel., il n’y a qu’un pas. Comment concilier l’inconciliable ? L’enseignement bouddhique semble plus logique. Il part du principe que la création, le commencement de toute chose ne peuvent s’expliquer rationnellement. Les religions monothéistes interdisent à leurs adeptes de remettre en question l’existence de Dieu, et encore plus de réfuter sa parole quand bien même elle heurterait la raison critique. Tout porte à craindre que les croyants adhèrent sans réfléchir ! L’obéissance aveugle n’est pas le plus sûr moyen de progresser sur le chemin de la connaissance parfaite.
                Nous ne cherchons pas à tendre vers en dieu mais vers l’Eveil, la perfection. L’hommes est responsable de sa vie. Il est l’auteur de son propre destin. Bouddha n’a pas créé le monde. Il ne répond pas de ses imperfections. Mais il nous montre la voie à prendre pour nous affranchir de nos souffrances et  accéder à la connaissance. Voilà pourquoi le mot « Dieu » n’existe pas dans la doctrine bouddhiste.
                 
                #8
                  Tam Tang 09.05.2007 04:32:06 (permalink)
                   
                  Les deux « Moi »
                   
                  Ce n’est pas la seule différence, notre conception de l’homme est tout autre. L’ »être « , le « Moi » souverain tel que nous le concevons, ne semble pas exister pour vous. Le bouddhiste pense que ce Moi est à l’origine de la souffrance. Aujourd’hui, la psychologie s’en mêle, affirmant l’importance de se construire un Moi solide. Comment expliquez-vous de telles différences ?
                   
                  Notre corps sait ce dont il a besoin. Si nous avons soif, nous buvons. Bouddha utilise le mot « soif » pour définir toutes les aspirations de l’homme. Lé « soif » est une force motrice qui anime la roue de l’existence. Ferait-elle défaut u’il deviendrait impossible d’accéder à la délivrance et à la bouddhéité. Mais notre corps ne distingue pas toujours ce qui est bon pour lui de ce qui est mauvais. Il peut être avide et chercher à se satisfaire par des moyens qui le conduiront à sa perte. Il faut apprendre à faire le tri.
                           Toute médaille a son avers et son revers. L’être humain ne fait pas exception à la règle. D’un côté, le Moi égoïste qui se gonfle d’orgueil jusqu’à devenir l’auteur de son malheur. Si l’homme use de la violence pour imposer ses vues égoïstes, il nuit à son prochain et à lui-même. Ce Moi-là est cause de souffrance. Par ailleurs, il y a le Moi volontaire qui pousse l’homme à dire : »je peux, je dois, je veux ».
                           Sans le concours de la volonté, on ne peut maîtriser sa colère, sa jalousie ou sa haine. Plus rien ne s’oppose à la tyrannie des mauvais penchants. Quoi de plus instinctif que les sensations et les sentiments qui nous font instantanément passer du désir à la répulsion ? Seule une volonté extrêmement déterminée peut juguler ces différentes pulsions.
                   
                  Des vertus de certaines plantes.
                   
                  Il n’est pas facile de choisir, d’autant que nos sentiments sont parfois ambigus…
                   
                  Oui, il faut savoir porter un regard objectif sur soi et bien analyser nos attitudes. Par exemple, la con fiance en soi et la fierté sont deux sentiments très proches. Mais la fierté bascule très vite dans l’orgueil qui rend autoritaire, arrogant et brutal, tandis que la confiance en soi est indispensable pour agir. Autre exemple : l’humilité cache parfois un peur maladive, un sentiment d’impuissance ; mais elle peut aussi être une marque de respect et de générosité. Ou encore la colère se manifeste souvent par une violence physique déplacée, mais dans sa version positive, elle pousse à la révolte contre l’injustice et l’engagement en faveur de la justice.
                           Lorsque j’étais jeune, je me mettais souvent en colère. J’ai peut-être hérité le tempérament irascible de mon père. Aujourd’hui, grâce aux exercices spirituels, je suis à même de contrôler ces débordements intempestifs. Nous devons en permanence exercer notre esprit pour apprendre à faire la part des choses entre ce qui lui est néfaste et ce qui lui est profitable. Admettons que je sois seul face à une foule de gens : la première question qui me vient à l’esprit est de savoir ce qui, entre mon intérêt personnel et la somme des intérêts individuels de tous ces gens réunis, compte le plus. La réponse va de soi.
                           Il en va des sentiments comme des plantes : certaines ont des vertus bienfaisantes et d’autres sont toxiques. Il y a quelque temps, j’étais à Washington où j’ai visité le musée de l’Holocauste. J’ai vu d’un côté les photos des atrocités infligées au peuple juif, et de l’autre celles des hommes qui se sont sacrifiés pour les sauver. Elles illustrent parfaitement ce que les hommes sont capables de faire en bien comme en mal.
                           L’amour et la haine sont des sentiments très voisins, aux conséquences diamétralement opposées. Un inclination peut rapidement virer à la haine. Or la haine fait toujours des ravages et incite l’homme à commettre les pires crimes. Nous sommes libres de décider si nous voulons aimer ou haïr.
                   
                  Mahakaruna.
                   
                  Peut-on comparer la sollicitude aimante envers tout être (mahakaruna), fondement du mahayanisme tibétain, avec l’amour du prochain que préconise la religion judéo–chrétienne ? « L’amour ne cherche pas son intérêt, il rend service, il trouve sa joie dans la vérité… » (Première Epître de saint Paul aux Corinthiens.)
                   
                  C’est difficile à dire. Mahakaruna désigne la compassion et non la pitié. La différence vient peut-être de là. Je ne sais pas si les chrétiens distinguent bien ces deux notions. Si l’on s’apitoie sur quelqu’un, on peut facilement en arriver à s’apitoyer sur son propre sort. Voilà ce que nous refusons. Dans l’optique bouddhiste, la « sollicitude  aimante » induit une véritable prise en compte de l’autre. L’amour est impartial ; il ne se limite pas à la sympathie que l’on éprouve pour sa famille ou ses amis. Il inclut aussi l’amour de ses ennemis.
                   
                  <bài viết được chỉnh sửa lúc 09.05.2007 04:41:27 bởi Tam Tang >
                  #9
                    Tam Tang 10.05.2007 04:52:45 (permalink)
                    Un amour non exclusif
                     
                    Dans la pensée occidentale, le mot « amour » recouvre une grande palette de sentiments. On pense immédiatement à un sentiment profond, à une forte attirance. L’amour tel que vous le concevez garde la tête froide et se tourne aussi vers celui qui est antipathique.
                     
                             L’amour vrai ne dépend pas d’une attirance particulière, il peut même se passer de liens personnels. Voilà pourquoi nous devons apprendre à ne pas confondre l’affection ou le sentiment amoureux avec l’amour véritable. Il est très facile d’aimer quelqu’un pour lequel nous ressentons une inclination. Mais cela ne doit pas nous dédouaner de la bienveillance envers le prochain. Nous aurions tendance à n’être gentil qu’avec celui qui nous plaît à un moment donné.
                             Mahakaruna, la grande sollicitude aimante envers tout être, est la quintessence de la doctrine mahayaniste. Tant qu’il y aura des êtres en souffrance, elle viendra à leur secours. Il ne dépend que de nous d’ouvrir toujours plus notre cœur à la compassion, car rien ne nous empêche de veiller sur notre prochain. La croyance en la réincarnation est essentielle dans cette perspective car, dans le cycle des renaissances, celui qui était le fils deviendra père, et vice versa.
                     
                    La voie de la bouddhéité
                     
                     La doctrine de la réincarnation est étrangère à la foi chrétienne, dont le but ultime est la « vie dans le Christ ». Et pourtant beaucoup d’Européens, un sur quatre d’après les sondages, croient à la renaissance…
                     
                             Les conditions de notre renaissance future dépendent de l’attitude que nous avons eue dans notre vie présente. En principe, nous n’avons pas le pouvoir de choisir. Mais l’état karmique où nous nous trouvons au moment de mourir a néanmoins une influence. Très schématiquement, on peut dire que nous pouvons nous retrouver dans quatre situations différentes : soit notre réincarnation est entièrement déterminée par les actions de notre vie antérieure ; soit nous pouvons avoir une influence sur le lieu et le contexte de notre vie nouvelle ; soit encore nous nous réincarnerons dans un homme capable de transmettre la spiritualité ou d’être un guide religieux ; soi, enfin, nous nous réincarnerons dans le bouddha du Parfait Eveil, qui ne renaîtra que pour apporter son assistance aux autres. Cette dernière étape est celle de la bouddhéité.
                             Dans la tradition tibétaine, nous croyons que l’homme ne doit pas gaspiller les acquis de ses existences précédentes. Cela signifie que si nous avons enrichi positivement notre karma par de bonnes actions et un mode de vie juste dans une existence antérieure, nous ne devons pas maintenant nous reposer sur nos lauriers. Il faut toujours aller de l’avant, diriger notre regard vers l’avenir et aspirer à une perfection toujours plus grande. Pour nous, la vie humane est précieuse en soi parce qu’elle offre, plus que toute autre, une chance inestimable de perfectibilité.
                     
                    Il est grand temps de faire le bien
                     
                    Le but ultime de la pratique bouddhique est l’entrée dans le nirvana, l’ « extinction » ou délivrance de toute souffrance…
                     
                             Notre religion vise à mettre un terme à la souffrance qui accable notre existence. En  parvenant à vaincre la douleur d’être au monde (dukka), on connaîtra la félicité de la délivrance. La souffrance ne se réduit pas aux petits désagréments de la vie ; elle est conscience douloureuse du devenir, du caractère inéluctable de l’éphémère. Le nirvana est le but ultime à atteindre, le retour à la sérénité parfaite. Ce n’est pas une raison pour oublier le présent immédiat. Il  nous faut au contraire témoigner d’une sollicitude toujours plus grande envers notre prochain.
                     
                    De quoi rêvent les bouddhistes ?
                     
                    Le bouddhiste rêve de suspendre le mouvement de la roue infernale des renaissances. Une vision occidentalisée de la doctrine de la réincarnation fait miroiter aux fidèles les avantages qu’ils pourraient tirer des renaissances dans des conditions plus favorables à l’épanouissement de leur propre personnalité. Chaque nouvelle vie, espère-t-on, doit procurer un mieux-être.
                     
                             Qu’entendons-nous par un mieux-être ? Une vie agréable ? La réalisation de nos souhaits et de nos rêves les plus chers ? Ce n’est pas notre objectif. Nous aspirons à une nouvelle vie toujours plus orientée vers la recherche d’une éthique responsable. Une vie qui se détournerait du bien-être égoïste pour se mettre au service des autres. Un karma positif est le résultat de nos actions justes accomplies dans notre vie antérieure. C’est ainsi que l’homme se bonifie et qu’il trouve une place véritablement meilleure dans sa vie future. Il faut franchir des échelons pour accéder au nirvana. Une filiation s’établit d’âme en âme. Cette croyance en la renaissance est essentiellement fondée sur la permanence de la conscience, ainsi que sur la loi universelle de cause à effet. Les renaissances successives, la pérennité de l’esprit et le karma sont les trois idées fondatrices de la doctrine bouddhiste.
                     
                    Bonnes et mauvaises actions
                     
                    Le karma résulte des effets attendus de nos actions. En d’autres termes, l’homme est « ce qu’il fait ». On pourrait aller jusqu’à dire que l’homme, par son action, détermine la matrice dans laquelle il va renaître. Cela signifie-t-il que le destin d’un homme reflète sa vie antérieure ?
                     
                           Au seuil de la mort, la conscience enregistre les intentions, les motivations, les actions et les expériences du mourant. Les actions accomplies dans la vie écoulées sont soupesées et estimées. Cette évaluation infléchira le cours de la vie future dans un sens ou dans un autre. Les conditions de notre renaissance dépendent de l’attitude que nous avons eue envers notre prochain dans notre vie passée. C’est ainsi que la conscience perdure avec son héritage « karstique » et poursuit sa vie dans un nouveau corps.
                             On peut se réincarner dans un animal, un homme ou un être divin. Prenons l’exemple du bourgeon sur l’arbre.  Avant l’arbre, il y avait une graine, une cause qui a produit un effet. L’arbre est la cause qui produit à son tour un effet : le bourgeon. Les vertus comme la sobriété, la tempérance, l’humilité, la patience et le pardon sont des causes qui ont pour effet un karma positif. Un repentir sincère effacera un mauvais karma. La contrition et la ferme résolution de ne plus commettre de mauvaises actions  influencent le karma positivement. En éliminant tout le karma négatif, enfin, on peut échapper au cycle des renaissances, au fatal enchaînement de la naissance et de la mort. Ce n’est que lorsque nous parvenons à nous débarrasser complètement de tous les désirs terrestres que nous pouvons accéder à la bouddhéité.
                             Mais tout ce qui nous arrive n’est pas nécessairement déterminé par les forces karmiques. D’autres éléments, comme le corps, dont l’évolution est constante depuis des millénaires, entrent en jeu dans la constitution du karma. Il est de ce fait difficile de dire précisément ce qui, du karma ou de la loi de la  nature, exerce le plus d’influence. 
                     
                    <bài viết được chỉnh sửa lúc 20.05.2007 23:21:35 bởi Tam Tang >
                    #10
                      Tam Tang 20.05.2007 23:23:00 (permalink)
                      Ne rien faire serait-il symptôme de mal faire ?
                       
                      Un des dangers de cette théorie n’est-il pas d’encourager le fatalisme et l’attentisme ?
                       
                               « C’est comme ça, on n’y peut rien, c’est notre karma », voilà ce que disent certains Tibétains. Ce n’est qu’un prétexte fallacieux pour se disculper. Et ils ont tort. La théorie du karma n’exclut absolument pas la responsabilité de l’individu. Elle implique même que l’homme prenne sa vie en main. Il est fondamental que l’intention soir juste, et si par malheur nos bonnes intentions ne débouchent pas sur le bien, cela n’aura aucune conséquence négative sur notre karma. Mais si nous nous refusons à ceux qui en ont besoin, il faudra nous attendre à des complications karmiques.
                               Il convient de distinguer le karma individuel du karma collectif. Le karma collectif concerne la société, la communauté ou la famille. Tandis que le karma individuel, et c’est fondamental,  ne concerne que les actions accomplies par la personne elle-même. Son destin ne dépend que de ses bonnes ou mauvaises intentions qu induisent toutes ses actions et expériences. Le karma allie la métaphysique à l’éthique. Un mauvais karma sera racheté par de bonnes actions et neutralisé par une vie juste.
                       
                      De l’individuel au collectif
                       
                      Paut-on en déduire que la situation politique actuelle du Tibet et les souffrances endurées par son peuple sont liées à son karma collectif négatif ?
                       
                               La tragédie du Tibet est la conséquence du karma négatif qui pèse sur la génération actuelle. Les générations précédentes en portent la responsabilité. Depuis le début du XXè siècle, le Tibet s’est replié sur lui-même en oubliant qu’il était essentiel que la communauté internationale le reconnaisse entant qu’Etat indépendant. Ce qui se passait au-delà de nos frontières, chez nos voisins en Chine ne nous intéressait pas. Le Tibet a fait fausse route.
                       
                      #11
                        Tam Tang 22.05.2007 21:34:00 (permalink)
                                             LA MISSION DES RELIGIONS
                         
                        Sur la voir de bien
                         
                        Toutes les religions sont nées et se sont développées à l’intérieur d’une civilisation particulière en faisant abstraction de ce qui se passait ailleurs. Cela vaut en particulier pour les doctrines monothéistes, qui se sont singularisées par leur prétention à détenir une vérité absolue et qui ont essayé d’éliminer tout opposition au dogme. Peut-on, malgré cela, trouver un point commun entre les religions ?
                         
                                 Oui, l’amour, cette force d’alliance qui transcende tous les particularismes. Les grandes religions, à savoir le bouddhisme, le judaïsme, le christianisme, l’islam, le confucianisme, l’indouisme, le jaïnisme, le silkhisme, le taoïsme et le zoroastrisme, se réfèrent toutes à un même idéal d’amour. Les diverses pratiques spirituelles et religieuses visent le même but : la réalisation de cet idéal. Les grands ministres des cultes veulent détourner leurs fidèles de leurs mauvaises actions et les conduirent par leur enseignement sur la voie du bien.
                                 Leurs démarches sont analogues ; elles répondent aux questions existentielles et proposent une éthiques aux croyants. Les grands commandements qu’elles ont érigés en loi sont identiques : on ne doit pas mentir, on ne doit pas voler, on ne doit pas tuer. Ils nous indiquent le chemin à suivre.
                                 Je ne vois donc pas de grandes différences. Traiter tout homme comme s’il était son frère ou sa sœur, voilà ce que les religions devraient enseigner à leurs adeptes. Une fois ce principe de base est adopté, la tolérance et la compréhension mutuelle s’imposeraient d’elles-mêmes.
                         
                        Une thérapie adaptée
                         
                        Tous les grands chefs religieux ne partagent pas forcément votre point de vue. La voie du salut est un thème qui a fait couler beaucoup d’encre, j’en veux pour preuve les nombreux ouvrages consacrés à ce sujet.
                         
                                 Si nous restons trop rivés aux différences dogmatiques résultant de notre histoire et de notre civilisation, nous nous perdrons dans d’interminables discussions scolastiques. Pour ma part, il me semble plus important de remplir chaque jour ma mission en me consacrant entièrement à faire régner le bien sur Terre. On pourrait peut-être comparer les religions aux différentes thérapies proposées par les médecins.
                                 Un bon médecin connaît le remède approprié à son patient. Or toute thérapie vise à la guérison. A chaque homme, dons, la thérapie et la religion qui lui conviennent. Il m’est aussi arrivé de comparer les religions avec l’alimentation dont l’homme a besoin dans une situation donnée. Malgré la diversité des pensées philosophiques sous-jacentes aux religions, leur mission commune est de contribuer au bonheur de l’humanité et de bâtir la paix dans le monde.
                         
                        La religion, les instruments du pouvoir
                         
                        Pourquoi y a-t-il un tel fossé entre les ambitions avouées et les réalisations concrètes ? Pourquoi les religions ont-elles été le prétextes de tant de guerres meurtrières ? La réalité ne vient-elle pas de contredire les vœux pieux ? Quand on voit ce qui se passe en Irlande ou encore dans l’ancienne Yougoslavie, où les conflits sont de nature religieuse à l’origine…
                         
                                 Hélas, la religion devient souvent l’instrument d’un pouvoir qui cherche à imposer des vues égoïstes, à défaut de défendre de véritables et nobles convictions. Les religions ont malheureusement toujours contribué et contribuent encore à renforcer les clivages et les animosités entre les hommes. Alors qu’elles devraient être un facteur de concorde, elles renforcent les tensions. Le prosélytisme à tout crin me semble être de mauvais augure. Il faut au contraire mettre l’accent sur le dialogue entre les religions.
                         
                        A chcun sa foi
                         
                        Chez nous, le nombre de ceux qui se détournent des églises et vivent leur religion à leur façon est en augmentation croissante. Et chacun de se fabriquer sa foi ! A tort ou à raison ?
                         
                                 La religion s’inscrit dans une tradition. Nombreux sont ceux qui se disent croyants à partir du moment où ils croient à quelque chose., à une force, à une puissance, voire au hasard. Cela dépasse mon entendement. Il ne s’agit plus de religion. J’ai eu l’occasion d’aborder le sujet avec le général Mao Zedong : il m’a déclaré opposé à toutes forme de religion mais, dans le même temps, il m’a avoué superstitieux. Pourtant, les superstitions et autres croyances bricolées n’ont rien à voir avec la religion. Il n’y a de religion qu’à l’intérieur d’un contexte, d’une histoire et d’une tradition doctrinale.
                         
                        L’espoir qui soigne
                         
                        Votre Sainteté, faites-vous une distinction entre les hommes dont la vie est guidée par la prière et la méditation, et ceux dont la vie est dépourvue de dimension religieuse ?
                         
                                 Je crois qu’en suivant véritablement, jour après jour, les enseignements de sa religion, on modifie progressivement sa manière d’être au monde, en particulier dans les situations de crise et de détresse. Aussi horribles que puissent être le événements, la religion rassure l’homme et lui apporte du réconfort. Elle montre que la vie, loin de se réduire à une somme d’expériences douloureuses, possède un sens caché. Il reste à savoir décrypter le message pour découvrir l’espérance qu’elle offre à l’humanité face à l’adversité et aux difficultés.
                         
                        Une étiquette
                         
                        Nombreux sont ceux qui disent appartenir à une communauté religieuse mais qui, dans leur vie quotidienne se gardent bien d’en respecter les règles…
                         
                                 Parmi les cinq milliards d’hommes vivant sur notre planète, il y en a vraisemblablement moins q’un milliard qui reconnaissent leur appartenance à une religion et qui la pratiquent chaque jour. Ces hommes-là, quelles que soient les épreuves qu’ils rencontrent, trouvent dans la foi le courage pour les affronter. Pour les autres, la religion ne joue qu’un rôle secondaire. La foi n’est pas vraiment ancrée en eux. Ils se prétendent chrétiens, bouddhistes, hindouistes ou musulmans, mais ce n’est qu’une étiquette. Et quand ils ont des décisions importantes à prendre, la religion n’intervient absolument pas. Très nombreux sont ceux qui agissent en fonctions de leur convictions religieuses. Rest à savoir comment amener la majorité indifférente à comprendre la nécessité et l’urgence d’un engagement religieux.
                         
                        Assise,1986
                         
                        Votre Sainteté, le Pape Jean-Paul II avait convié à Assise en 1986 des représentants de toutes les religions à une rencontre de prière pour la paix dans le monde. Cette manifestation était-elle, à votre avis, l’expression, d’une volonté de concertation ?
                         
                                 Tout à fait. Cette rencontre nous a permis de tisser de nouveaux liens. Nous étions tous venus prier, chacun selon sa foi et ses convictions religieuses. Nous avons beaucoup appris les uns des autres et énormément progressé sur la voie de la compréhension mutuelle. Lorsque le Tibet était isolé du reste du monde, nous pensions que notre religion était la meilleure. Mais nous ne sommes pas les seuls sur Terre. Ces rencontres interconfessionnelles vont déboucher, me semble-t-il, sur un enrichissement, car nous poursuivons le même but : œuvrer pour le bien de l’humanité.
                         
                        Les détracteurs
                         
                        Certains ont critiqué, et d’autres ont exprimé la crainte que de telles rencontres puissent conduire à une fusion, à une relativisation des traditions, à un syncrétisme religieux…
                         
                                 A Assise, comme dans toutes les rencontres de prière, il y a toujours des détracteurs pour affirmer qu’un bouddhiste ne peut pas prier puisqu’il ne croit pas en Dieu. Mais c’est précisément lors de ces prières communes que ces différences s’estompent. Seul compte alors le fait que nous soyons capables de nous réunir et d’affirmer d’une seule voix notre engagement en faveur de la paix dans le monde. On peut prier dans l’unité, même si les uns croient en un être supérieur ou en un créateur et si les autres vénèrent Bouddha.
                        <bài viết được chỉnh sửa lúc 22.05.2007 21:35:04 bởi Tam Tang >
                        #12
                          Tam Tang 08.06.2007 04:55:24 (permalink)
                          Le soutien des Eglises
                           
                          Les Eglises vous soutiennent-elles dans votre combat pour le Tibet ?
                           
                                   Lorsque j’ai rencontré l’archevêque de l’Eglise anglicane, il m’a assuré de ses prières pour le peuple tibétain. Le lendemain, il appelait ses fidèles à prier pour mon peuple. J’ai rencontré le pape à plusieurs reprises. C’est un homme que j’apprécie énormément. Nous avons beaucoup discuté de la place de l’Eglise dans le monde moderne et aussi des moyens à mettre en œuvre pour parvenir à une bonne intelligence entre les religions. Le dialogue entre le bouddhisme et le christianisme s’est véritablement approfondi. En raison de son origine polonaise, le pape sait ce qu’est un régime communiste ; nous avons une expérience commune qui nous rapproche. Notre entente a été immédiate. La profondeur spirituelle de Jean-Paul II m’a fortement impressionné. Quand on pense qu’il considère comme un frère l’homme qui a voulu le tuer !
                           
                          Une religion unique ?
                           
                          Ce siècle sera-t-il celui d’une religion unique ?
                           
                                   La tolérance entre religions n’implique pas que les religions soient appelées à se fondre en une seule. En dépit de tout ce qu’elles ont en commun, je ne suis pas partisan d’une uniformisation. Cela sonnerait le glas de nos particularismes culturels. Il en faut pas abandonner nos traditions. Le christianisme attire les uns par sa représentation d’un Dieu créateur, tandis que le bouddhisme attire les autres par son éthique. Chaque conception peut se justifier. Nous ne pouvons cependant ni gommer toutes les différences, ni remplacer nos traditions par une nouvelle croyance universelle unique.
                                   A assise, nous étions tous d’accord sur un point : travailler ensemble, chacun à sa manière, en vue d’une prise de conscience du partage des responsabilités, afin de bâtir la paix dans le monde. Toutes les traditions religieuses peuvent coexister sur la planète. Elles ne doivent ni se combattre ni se fondre.
                           
                          Jésus : un bodhisattva ?
                           
                          Revenons encore une fois sur les ressemblances entre le christianisme et le bouddhisme, entre Gautama et Jésus, tous deux pères fondateurs d’une Eglise. Ont-ils des points communs ?
                           
                                   On avait prétendu qu’il y a avait effectivement une filiation historique entre Gautama et Jésus. Pour ma part, je n’en sais rien. Lorsque Jésus naît en Terre d’Israël, cela fait déjà quelques siècles que la doctrine bouddhiste et l’hindouisme se sont imposés en Asie. Les échanges commerciaux ayant favorisé la diffusion des religions et des cultures, on peut admettre qu’elles se soient mutuellement influencées.
                                  Pour nous, bouddhistes, les bodhisattvas, les êtres du Parfit Eveil, sont de très grands mystiques qui ont contribué à travers les siècles au salut d’innombrables gens. Jésus est un de ceux-là. Ne vous méprenez pas, le bouddhisme ne cherche pas à  s’approprier toutes les grandes figures religieuses…
                          <bài viết được chỉnh sửa lúc 08.06.2007 04:56:25 bởi Tam Tang >
                          #13
                            Tam Tang 09.06.2007 03:54:54 (permalink)
                            Bouddha sourit, Jésus souffre
                             
                            Quand on regarde les représentation de Jésus et de Gautama, les différences sont saisissantes. Bouddha est assis le sourire aux lèvres sur une fleur de lotus tandis que Jésus, les pieds et les mains cloués sur la croix, symbolise la souffrance…
                             
                                     Si je n’étais pas sérieux, je vous répondrais que le contexte social était différent ! Bouddha était un prince, tandis que Jésus fut un martyr persécuté par les Romains.
                                     Bien que l’enseignement de Bouddha puise aux sources de la souffrance, son visage affiche un sourire empreint de sérénité. Bouddha est né dans une famille très aisée, il a mené une vie agréable qu’il a délibérément quittée. Il s’est imposé durant six ans de sévères privations puis s’est retiré dans la solitude pour pratiquer la méditation et le jeûne. Ce n’est qu’au prix de tels renoncements qu’il a atteint l’Eveil parfait. La méditation est l’élément essentiel de notre pratique religieuse.
                                     Mais Bouddha et Jésus ont quantité de points communs : tous deux ont vécu dans le dévouement et le sacrifice. Ils nous montrent l’exemple à suivre quand il se mettent au service de leur prochain et font don de leur personne.
                             
                            L’humilité de mère Teresa
                             
                            Si tout homme qui, par son dévouement et son abnégation, mérite la reconnaissance de ses semblables, est un bodhisattva, considérez-vous mère Teresa comme tel ?
                             
                            Mère Teresa est l’illustration du pouvoir de la force spirituelle. Je l’ai rencontrée à l’aéroport de Delhi en 1988. J’ai été fortement impressionné par son humilité. D’un point de vue bouddhique, mère Teresa est sans aucun doute un bodhisattva. En consacrant sa vie aux pauvres, elle a mis sa foi chrétienne en pratique. Je ne sais pas si j’aurais été capable d’en faire autant.
                             
                            Un geshe catholique
                             
                            Sa Sainteté, le trappiste Thomas Merton vous a initié aux fondements du christianisme …
                             
                                     Oui, c’est grâce à lui que j’ai pu comprendre les fondements de la religion chrétienne. J’ai fait sa connaissance à Dharamsala en 1968, peu avant sa mort. Il incarne encore aujourd’hui pour moi la religion chrétienne. Thomas Merton était un homme profondément religieux et extrêmement humble. Je n’avais jamais rencontré une telle spiritualité chez un chrétien. Pour moi, il était un geshe catholique. C’est en discutant avec lui que j’ai appris des similitudes entre le catholicisme et le bouddhisme. Plus tard, mon chemin a croisé celui d’autres chrétiens desquels émanait une force semblable. Mais ce moine cistercien fut le premier à me montrer ce que cela signifie d’être chrétien.
                                    L’engagement des chrétiens dans les organisations humanitaires est formidable. Les bouddhistes pourraient prendre exemple sur eux. En revanche, je suis toujours déconcerté par leur façon de méditer ou de prier. Ils n’accordent aucune importance à leur posture corporelle, tandis que les bouddhistes y font très attention : ils privilégient la position assise et travaillent leur respiration. Les chrétiens pourraient aussi s’inspirer de nos techniques de méditation.
                            <bài viết được chỉnh sửa lúc 09.06.2007 03:56:17 bởi Tam Tang >
                            #14
                              Tam Tang 09.06.2007 23:26:31 (permalink)
                              L’UNICITE DE L’HOMME
                               
                              Les vertus de la bienveillance
                               
                              Vous rencontrez au cours de vos voyages des gens venus de tous les horizons. Par-delà les différences culturelles, historiques et géographiques, les hommes ont-ils d’après vous un point commun ? Peut-on considérer l’humanité comme une grande famille ?
                               
                                       Mes tribulations m’amènent effectivement à fréquenter des hommes de cultures, de religions ou d’idéologies différentes. Si l’on se fie aux apparences, tout les séparent. Mais ces diversités ne tiennent qu’aux conditions climatiques dans lesquelles ils vivent. Quand il fait froid, il faut travailler dur pour survivre. Dans les pays plus chauds, au sud, où la nature est florissante, les hommes ont adopté un comportement plus nonchalant. L’espèce humaine s’acclimate à son milieu. Il y a autant de comportements humains que de microclimats. Mais l’homme est unique. L’aspiration au bonheur et à l’amour est commune à tous. Personne n’a envie de souffrir. Personne n’ignore les vertus de la bienveillance.
                                       La bonté, la miséricorde et l’amour sont des gages d’espérance et de paix intérieur. L’inclination au bien est la condition du véritable progrès de l’humanité, en particulier de nos jours, où la question de la survie de l’homme se pose de façon si cruciale. La prise de conscience des responsabilités collectives ne se fera que si nous sommes animés par l’amour et la bonté.
                               
                              Une éthique sans religion ?
                               
                              Entendez-vous par là qu’il existerait une éthique en deçà de toute religion ?
                               
                                       Religion et éthique ne sont pas deux termes synonymes. On retrouve certes des préceptes moraux dans toutes les religions. Mais l’éthique n’est pas forcément liée à la religion. Il se révèle même essentiel de nos jours que l’éthique se passe du support de la religion, afin que les incroyants puissent s’y raccrocher. D’aucuns pensent que l’éthique ou la morale n’existent pas en dehors d’un système religieux. Cela revient à dire que l’homme n’aurait aucun point de repère s’il n’adhérait pas à une croyance religieuse. Commet alors gouverner sa vie ? Il s’avère donc nécessaire de trouver une règle de conduite commune et valable pour tous, une loi morale universelle.
                                     A notre époque, les réflexions sur la morale et l’éthique ne sont sûrement pas des divertissements pour les intellectuels. Il en va de la survie de l’humanité. Nous sommes tous concernés par les questions d’environnement. Notre planète est menacée de destruction. Nous devons rechercher des solutions globales. Autrefois, on pouvait se limiter à traiter des questions localement. Mais cette époque est révolue. Pensez à l’économie moderne et aux droits de l’homme. Pourquoi ne concerneraient-ils qu’une minorité ? Mais, heureusement, nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’une nouvelle idéologie de l’humanité.
                               

                              Notre mère adorée
                               
                              Votre sainteté, vous avez dit que l’amour entre une mère et son enfant était le modèle d’après lequel il fallait penser l’éthique universelle. Qu’entendez-vous par là ?
                               
                                       D’après nos enseignements, nous renaissons tous plusieurs fois. A partir de là, nous pouvons imaginer que tout être vivant sera notre géniteur potentiel dans un vie future. La tradition bouddhiste nous enseigne à voir dans chaque être « notre mère adorée « , l’unique objet de notre reconnaissance. Dans le premières et les dernières heures de notre vie, nous sommes dépendants des soins et de l’affection de notre entourage. Pourquoi ne pourrions-nous pas, dans la force de l’âge, prendre à notre tour les autres en charge ? C’est valable pour tous, y compris pour les non-croyants. Notre vie commence dans le sein maternel où, enfants, nous puisons la confiance et l’assurance que nous aurons ensuite dans la vie et qui détermineront notre façon d’appréhender le monde.
                               
                              De l’agressivité
                               
                              Cette intimité étroite et cette harmonie originelle servant de référents à la pensée bouddhiste, qui s’intéresse en premier lei à l’homme et à sa métamorphose. En Occident, on contourne le plus souvent la difficulté : en améliorant les conditions sociales et économiques, on règlerait les problèmes personnels…
                               
                                       Il ne faut pas nier l’importance des conditions sociales. Mais l’agressivité, source de tant de conflits et de troubles, est inhérente à la nature humaine. Les guerres qui éclatent sur notre planète sont imputables à l’homme et à son instinct d’agression. Cette propen,sion naturelles n’est pas conditionnée par une culture, elle est fortement enracinée dans la nature humaine. Aucune mesure préventive ne suffit à juguler son hostilité foncière. Il faut traiter le problème à la racine ; d’où l’obstination du bouddhisme à vouloir transformer le cœur de l’homme. Cette métamorphose ne signifie pas pour autant qu’un « homme nouveau » verra le jour. Il s’agit juste de réduire nos mauvais penchants et d’accroître les bons.
                               
                              <bài viết được chỉnh sửa lúc 04.08.2007 15:00:53 bởi Con Gấu >
                              #15
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