Dans la tanière du loup - Traudl JUNGE
Con Gấu 05.04.2007 04:27:06 (permalink)
DANS LA TANIERE DU LOUP
 
TRAUDL JUNGE
 
Aves la collaboration de Melissa Müller
 
Les confessions de la secrétaire de Hitler
 
Traduit de l’allemand par Janine Bourlois
 
Editions JC Lattès
 
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Note de l’éditeur
 
 
        Les écrits de Traudl Junge, datant des années 1947-1948, restituent des souvenirs subjectifs et sont publiés ici dans la version originale. En collaboration avec Mme Junge, le texte a simplement été légèrement modifié, là où il montrait le faiblesses propres à un manuscrit (orthographe non uniformisée, erreurs dans l’écriture des noms, mots manquants, etc.) .
        Les rares suppressions , insignifiantes pour le contenu, sont indiquées par des crochets.
        Traudl Junge est décédée le 15 janvier 2002.

                                                        « Nous ne pouvons pas corriger
notre biographie a posteriori, il nous faut vivre avec elle. Mais nous pouvons nous corriger nous-mêmes. »
 
Reiner Kunze, Am Sonnenhang.
Tagebuch eines Jahres (1993).
 
 
Préface
 
De Traudl Junge
 
 
        Ce livre n’est pas une justification tardive. Ni une auto-accusation. Je ne veux pas non plus qu’il soit compris comme une confession. Il s’agit plutôt d’une tentative pour me réconcilier, non pas avec mon entourage, mais avec moi-même.
 
        Pendant deux ans et demi, j’ai été la secrétaire de Hitler. En dehors de cela, jusqu’à présent, il n’y a rien eu de sensationnel dans ma vie. En 1947-1948, j’ai couché sur le papier les souvenirs encore très vifs de ma vie à proximité immédiate d’Adolf Hitler. C’était à une époque où « nous tous », les Allemands, regardions vers l’avant et où – avec un succès étonnant du reste – nous minimisions et refoulions ce que nous avons vécu. Je me mis alors à l’ouvrage en toute candeur, et je voulus fixer les événements et les épisodes les plus importants de cette époque, avant que les détails susceptibles d’être plus tard intéressants ne pâlissent ou ne tombent complètement dans l’oubli.
        Quand je relus mon manuscrit avec un recul de plusieurs années, je fus effrayée, et remplie de honte par le manque de critique et de distance avec lequel je m’étais mise alors à l’ouvrage. Comment pouvais-je avoir été si naïve et insouciante ? Mis ce n’est qu’une  de raisons pour lesquelles je redoutais jusqu’à présent de faire publier le manuscrit dans mon pays. Une autre raison est que , face au flux de littérature sur Adolf Hitler et son « Reich de mille ans », mon destin et mes observations ne me semblaient pas suffisamment manquants. De plus, je m’inquiétais de la soif de sensation, et des applaudissements de mauvaise part.
        Je n’ai jamais caché mon passé mais, dans les années d’après-guerre, mon environnement m’a beaucoup aidée à le refouler : j’aurai été trop jeune et trop inexpérimentée pour percer à jour mon patron, dont la façade honnête dissimulait un homme au désir de puissance meurtrier. La commission de dénazification, qui me disculpa en tant que « jeune suiveur », n’était pas la seule à agir de la sorte. C’était aussi l’avis de toutes les personnes que je connaissais avec je parlais de mon expérience, non seulement celles qui étaient elles-mêmes soupçonnées de complicité, mais aussi celles qui avaient été persécutées par le régime. Je n’ai que trop volontiers admis cette disculpation. Après tout, je venais juste fêter mon vingt-cinquième anniversaire quand l’Allemagne nationale-socialiste s’effondra et je désirais qu’une chose : vivre.
 
        C’est seulement au milieu des années soixante que j’ai commencé petit à petit à réfléchir sérieusement à mon passé et à mes sentiments croissants de culpabilité. Au cours des trente-cinq dernières années, je devenais de plus en plus tourmentée, cherchant sans fin à me comprendre moi-même et à comprendre mes motivations de l’époque. J’ai appris à l’accepter : en 1942, je n’avais que vingt-deux ans et j’étais aventureuse, fascinée par Hitler, qui était un patron agréable et un ami paternel. J’ignorais alors volontiers ma voix qui m’avertissait  et que le percevais parfaitement. JE prenais même plaisir au temps passé près de lui presque jusqu’à la fin cruelle. Après les révélation sur les crimes de cet homme, je vivrai jusqu’à ma dernière heure avec le sentiment d’avoir été complice.
 
        Il y a deux ans, j’ai fait la connaissance de l’écrivain Melissa Müller. Elle vint me voir pour me poser, en tant que témoin de l’époque, quelques questions sur Adolf Hitler et ses préférences artistiques. De cette conversation naquirent beaucoup d’autres entretiens concernant ma vie et l’effet à long terme qu’avait eu sur moi ma rencontre avec Hitler. Melissa Müller appartient à la deuxième génération d’après-guerre, son regard est marqué de ce qu’elle sait sur les crimes du Troisième Reich. Mais elle ne fait pas partie de ceux qui, après coup, savent tout mieux que les autres. Pour elle, ce n’est pas aussi simple. Elle écoute ce que nous, témoins de l’époque qui étions autrefois sous le charme du Führer, avons à raconter, et elle essaie d’aller jusqu’aux racines de ce qui s’est passé. « Nous ne pouvons pas corriger notre biographie a posteriori, mais nous devons vivre avec elle. Cependant, nous pouvons nous corriger nous-mêmes. » Cette citation de Reine Kunze, extraite de son Tagebuch eines Jahres (« Journal d’une année »), est devenu un principe important dans ma vie. « Mais l’on ne s’attend pas toujours à la génuflexion publique », est-il dit plus loin. « Il existe une honte  muette plus parlante que tout discours – et parfois plus sincère. » Melissa Müller réussit finalement à me convaincre de publier quand même mon manuscrit. Si je parviens, pensai-je, à lui faire comprendre combien il était facile de succomber à la fascination de Hitler et combien il est difficile de vivre en sachant que l’on a servi un criminel de masse, cela devrait aussi pouvoir le faire comprendre aux lecteurs. C’est en tout cas ce que j’espère.
 
        L’an dernier, Melissa Müller m’a fait rencontrer André Heller, qui est pour moi non seulement un artiste extrêmement intéressant, mais aussi un homme très engagé d’une morale politique inébranlable. Des conversations intenses avec lui furent une autre impulsion, infiniment précieuse, pour réfléchir sur Traudl Humps, la jeune fille avec laquelle je fus si longtemps sur le pied de guerre. Une partie importante de nos entretiens se déroula devant la caméra. André Heller et Otthmar Schmiderer montèrent à partir des prises de vue le film documentaire » Im toten Winkel » (« Dans l’angle-mort »).
 
        Dans le présent livre, c’est tantôt la jeune et tantôt la vieille Junge (jeune, en allemand) qui parle. La jeune Junge, même de façon posthume, s’est laissé convaincre de publier ses premiers écrits par l’intérêt toujours croissant de « connaître de l’intérieur » le régime nazi et espère pouvoir, avec son texte, fournir des éclaircissements. Le vieille Junge ne veut certes pas se faire un apôtre de la morale, mais espère tout de même transmettre quelques idées moins banales qu’elles peuvent le paraître au premier abord : les belles façades sont souvent trompeuses, cela vaut toujours la peine de jeter un coup d’œil derrière. L’homme doit écouter la voix de sa conscience. Il ne fut guère autant de courage qu’il paraît pour avouer des fautes et apprendre d’elles. L’homme est au monde pour se transformer en apprenant.
 
                                                        Traudl Junge
                                                        Janvier 2002
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#1
    Con Gấu 07.04.2007 05:34:51 (permalink)
    Introduction

    Une enfance et une jeunesse en Allemagne
     
    Par Melissa Müller
     
            Munich,  1947. La « capitale du mouvement » est devenue une ville en ruines. Les gens sont épuisés de faim et de froid, en même temps, il sont au commencement de quelque chose. Une misère déplorable et une joie de vivre excessive coexistent. Traudl Jung a vingt-sept ans, c’est une femme gaie, qui a soif de vivre. Elle est considérée comme « disculpée », d’abord en raison de son âge, la commission de dénazification le lui a certifié. Elle travaille comme secrétaire, change souvent de place. On vit au jour le jour. Traudl Junge passe pour être de bonne volonté, un certificat de l’époque souligne « son esprit vif, son bon style épistolaire et ses performances en dactylographie et sténographie bien au-dessus de la moyenne ». Le soir, elle est une habituée des cabarets et des spectacles de chansonniers, qui poussent en ville comme des champignons. L’argent et les vivres sont rares, les cigarettes aussi. Amis et voisins se soutiennent et partagent ce qu’ils ont. Traudl Junge a la vie devant elle et aussi – elle l’espère – le très grand amour et le très grand bonheur. Elle n’a pas de visions concrètes de l’avenir, mais elle y croit.
     
            Seconde version de l’Histoire : Munich, 1947. La « capitale du mouvement » est devenue une ville en ruines. Traudl Junge a vingt-sept ans et elle est veuve depuis trois ans. Son dernier employeur, le « plus agréable que j’avais jusqu’alors », est mort, beaucoup de ses collègues les plus proches des jours de guerre sont portés disparus. Elle ne sait pas s’ils ont été déportés dans des camps russes ou s’ils se sont suicidés. Elle même a été détenue par les Russes pendant plusieurs mois, a survécue à une pénible diphtérie et à une fuite aventureuse de Berlin pour Munich. Elle est revenue avec des sentiments mitigés, dans la crainte d’être mise au pilori ou d’être évitée. Elle ne cache pas qu’elle a été, pendant deux ans et demi, secrétaire privée de Hitler et constate avec soulagement combien l’on s’intéresse peu à son passé. Même sa mère ne veut pas en savoir davantage. Elle entend certes souvent la question « Dis, Hitler est-il vraiment mort ? », mais les détails ne semblent intéresser personne, toute tentative d’explication ou de justification encore moins. On lui ôte ses auto-reproches diffus d’avoir servi l’auteur d’un génocide et d’être ainsi complice de son crime. Mais tu étais encore si jeune… En 1947, l’oubli a commencé depuis longtemps ; une auto-protection pour les coupables, les suiveurs et les victimes pareillement.
     
            Une actrice principale, deux scénarios – les deux concordent.
     
    Pendant le premières années d’après-guerre, la vie de Traudl Junge est divisée. D’un côté, les souvenirs accablants de la période insouciante passée dans l’entourage d’ Adolf Hitler et de sa fin tragique , avec lesquels elle reste seule. De l’autre côté, le quotidien des ruines avec ses soucis et ses joies immédiats qu’elle peut partager avec d’autres : amis, relations, mère et sœur.
            Traudl Junge parvient rapidement, et même, dans son souvenir, aussitôt après l’effondrement du Troisième Reich, à se libérer de la force d’attraction de Hitler. Cela tient peut-être au fait qu’elle admirait, certes, cette facette, comme elle dit, charmante, amicale et paternelle de sa personnalité, qu’elle connut de près pendant deux ans et demi, mais qu’elle a toujours fait preuve d’indifférence à l’égard du national-socialisme et ne s’est pas préoccupée de ses constructions idéologiques, ni de sa barbarie. Son passé est un mélange non digéré de bons souvenirs personnels et de découvertes terrifiantes qu’elle fait petit à petit et de façon fragmentaire après la guerre, mais qu’elle n’abordera que beaucoup plus tard. Traudl Junge est arrivée par hasard dans l’environnement de Hitler, et son discernement – ce qui n’est guère concevable d’un point de vue actuel, pour elle non plus – était extrêmement restreint. Elle se trouva prise dans le courant de l’influence d’Hitler, se sentit flattée, et ce qui ne ma concernait pas personnellement ne l’atteignait pas. Naïveté ? Ignorance ? Vanité ? Facile de bonne foi ? Suivisme inculqué ? Docilité fautive ? En 1947, elle ne se posait pas ces questions. Elle a survécu, elle commence alors – avec la force de la jeunesse, précise-t-elle – à vivre en passant littéralement par-dessus son passé. C’est seulement dans les années soixante que les questions vont commencer à la tourmenter. Des tourments qui persistent jusqu’à aujourd’hui.
            En 1947 , Traudl Junge fait la connaissance, par l’intermédiaire de son ancien ami Heinz Bald, du protecteur de celui-ci, un entrepreneur aisé. Il est fasciné par son passé et l’incite à écrire ses souvenirs sur la période vécue avec le Führer. Son ancienne épouse – juive d’origine allemande, elle vit aux Etats-Unis depuis le divorce qu’il a obtenu dans les années trente, mais elle est en bonne relation avec lui – proposerait le texte à un quotidien américain. L’idée plaît à Traudl Junge, et elle se met bientôt au travail. Elle-même, dit-elle a posteriori, avait également besoin de fixer une période aussi décisive avant que le souvenirs ne pâlissent. Les spéculations effrénées sur la mort de Hitler, auxquelles elle est couramment confrontée, sont une autre motivation. Au cas où elle devrait à nouveau être interrogée, elle pourrait alors envoyer à son texte.
            Elle tape environ cent soixante-dix pages de manuscrit dans les mois qui suivent, pendant les soirées libres et les week-ends. Elle prend plaisir à l’écriture. Finalement, le texte n’est pourtant pas publié, parce que « les lecteurs ne s’intéresseraient pas à ce genre d’histoires », comme on le dit en 1949. Trudl Junge vit toutefois ce travail d’écriture comme une sorte de catharsis. Il y a à vrai dire peu de moments de réflexion sur ce qu’elle a vécu, mais elle ne cache rien non plus, n’essaie pas de se justifier. Elle archive simplement les événements, les épisodes, les impressions subjectives, et tire ensuite un trait provisoire sous cette partie de son passé ; et ses notes restent longtemps ignorées.
     
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    #2
      Con Gấu 22.04.2007 23:24:30 (permalink)
               Effectivement, les rapports de Traudl Junge avec Adolf Hitler – c’est ainsi que se lit en tout cas son manuscrit – sont encore indécis dans ses premières années d’après-guerre. C’est pour cette raison que son texte doit parfois choquer le lecteur d’aujourd’hui. Quand elle-même le relit des décennies plus tard, le manque de distance et la naïveté qu’il traduit dans de longs passages la bouleversent et la couvrent de honte. Il est banal, et revêt parfois des accents d’une impertinence inexcusable, dit-elle. Elle n’arrive pas à percevoir sa valeur pour l’histoire contemporaine, son côté direct et authentique l’irrite à présent. Elle ne voit pas que ses descriptions apparemment anodines du quotidien bonhomme de Hitler dans la Tanière du loup ou sur le Berghof sont un document important à l’appui de la thèse souvent citée de Hannah Arendt sur la « banalité du mal ». Qu’elle puisse ainsi offrir un aperçu éclairant à ceux qui schématisent Hitler et ses soutiens proches en monstres sans traits humains est une mince consolation. Pour elle, c’est avant tout le témoignage d’une période vécue de manière irréfléchie, une sorte de liquidation de sa jeunesse passée avec ingénuité dans un environnement qui était loin d’être innocent. 
              Gertraud Humps, nommée Traudl, vient au monde le 16 mars 1920 à Munich. Un mois avant son anniversaire, le 24 février, dans le cadre du premier grand rassemblement populaire du NSDAP dans la Hofbräuhaus de Munich, Adolf Hitler et Anton Drexler, fondateur du Parti ouvrier allemand (Deutsche Arbeiter Partei, DAP), proclament le programme xénophobe de leur parti. Si cela mérite d’être mentionné, c’est que la manifestation s’adresse « Au peuple miséreux ! ».
              En effet, la situation sociale d’une large part de la population est misérable et provoque discorde et protestation politique. Rien qu’en décembre 1918 et la mi-février 1919, le nombre de chômeurs de la ville passe de huit mille à près de quarante mille, il y a pénurie de logements, de nourriture et de matériel de chauffage.
              Le père de Traudl, Max Humps, né en 1893, est maître brasseur et lieutenant de réserve. Il est considéré comme un « charmant  évaporé » et « pas forcément fait pour le mariage ». La mère, Hildegard, née Zottmann, a trois ans de moins, elle est fille de général et c’est pour elle une mésalliance.
      . Le jeune couple emménage dans un petit appratement mansardé à Schwabing. Cependant, aussitôt après la naissance de Traudl, le natif de Regen, en Basse_Bavière, perd son emploi à la Löwenbrauerei, les difficultés économiques rendent prématurément problématiques les différences considérables de caractères des époux. Hildegard est une femme à l’esprit lent, mais très attachée aux sentiments, avec une image rigide du monde et un code moral strict. Mas est un opportuniste, il prend la vie à la légère et avec beaucoup d’humour, ce qui fait que, s’il est difficile de lui en vouloir, il est impossible de compter sur lui.
              Max Humps, sans orientation, qui préfère de toute façon son cercle de camarades et de soi-disant amis sportifs à la prétenduee idylle familiale, se rallie – comme beaucoup de chômeurs à cette époque – au « Corps franc Oberland », l’une de ces formations politiques d’extrême droite dans lesquelles se rassemblent des courants antirépublicains, nationalistes et antisémites. Une formation armée rigoureusement organisée – germano-nationale et populiste – avec de nombreux membres originaires de l’Oberland bavarois, qui fit créé en 1919 pour contrer la République des soviets de Munich. Elle recherche activement des membres et trouve une grosse clientèle parmi les hommes profondément décontenancés de cette époque. La défaite militaire et les tiraillements suscités par le traité de Versailles, l’émancipation des femmes favorisée par ma guerre et leur droit de vote nouvellement acquis, la misère économique, c’est tout cela que veulent compenser les groupes d’hommes en uniformes qui font ostensiblement étalage de leurs armes et décorations. La Bavière est le pôle d’attraction des formations de droite, car le nouveau gouvernement bavarois, qui marque une tendance vers la droite, tolère largement ces groupements.
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      #3
        Con Gấu 25.05.2007 04:31:29 (permalink)
        Après la marche sur Munich, en mai 1919, destinée à renverser la république des soviets, le corps franc lutte en avril 1920 contre des soulèvements communistes dans le territoire de la Ruhr, de mai à août 1921, contre la Pologne dans la guerre de frontière de Haute-Silésie. Max Humps participe à la violente prise d’assaut de l’Annaberg, grâce à laquelle le corps franc acquiert une grande considération dans les milieux conservateurs. Son beau-père subvient aux besoins de son épouse et de sa fille, lui-même est rarement présent. Quand les alliés obtiennent en été 1921 la dissolution de toutes les formations armées, des éléments du «FreiKorps Oberland » fondent le « Bund Oberland » avec un siège central à Munich. Son règlement soutient un « combat contre l’ennemi intérieur » et se tourne expressément contre la République. Son nouveau président, Friedrich Weber, prépare une étroite collaboration avec le NSDAP. Le 1er mai 1923, des formations armées de l’ »Oberland » et de la SA attaquent, sur l’Oberwiesenfeld munichois, des sociaux-démocrates et des communistes en train de manifester. En septembre, le « Bund Oberland » devient membre du « Deutscher Kampfbund » nouvellement créé et mené par Adolf Hitler.
                Le « Bund Oberland » participe au putsch de Hitler des 8 et 9 novembre 1923 avec plusieurs compagnies, Mas Humps aussi y prend part et , pour son intervention, il est décoré de l’Ordre du sang du NSDAP.Le Bund est ensuite interdit, mais il subsiste sous le nom « Deutscher Schützen- und Wanderbund ».
                Max Humps soutient-il le putsch de Hitler par conviction politique ou seulement par manque d’occupation plus judicieuse ? Croit-il vraiment Hitler capable de mettre en œuvre un essor économique ?Cela n’est pas clair. Sa fille le considère en tout cas comme une sorte de lansquenet patriotique qui trouva opportun de suivre la horde de ses camarades, dont faisait aussi partie le chef de la Leibsstandarte-SS, Sepp Dietrich, et de lancer des slogans germano-nationaux. Après le putsch raté, il n’est pas appréhendé, il joue un rôle trop secondaire pour cela. Il ne trouve pourtant toujours pas de travail régulier, femme et enfants – le deuxième fille est née un mois après la tentative du putsch, en décembre 1923 – sont dans une véritable détresse, la mère ne sait souvent pas ce qu’elle pourra mettre sur la table le lendemain. En 1925, Humps se replie dans la Turquie de Mustafa Kemal Pacha, le futur Kemal Atatürk. Le pays, qui se rapproche de l’Europe, a besoin des connaissances pratique du personnel qualifié occidental, Max Humps reprend enfin son métier de maître brasseur. Il laisse la famille à Munich, c’est au plus tard à ce moment que la patience de Hildegard Humps envers son mari est à bout. Elle ne veut plsu rien avoir à faire avec lui et , ne voyant pas d’autre possibilité, comme femme au foyer et mère de famille sans revenus, elle regagne avec ses enfants le foyer parental. Quanbd Max Humps a acquis une certaine réputation en Turquie et qu’il fait plusieurs tentatives pour récupérer sa famille à Smirne – l’actuelle Izmir -, Hildegard refuse de le suivre. Au lieu de cela, elle demande le divorce.
                Traudl a cinq ans quand on père les quitte. Il est vrai qu’il ne jouait pas non plus auparavant le rôle classique du père, c’est-à-dire du protecteur, mais pendant les rares moments où il était présent, elle le considérait comme un camarade affectueux et un compagnon de jeu plein de bonnes idées.
                En 1926, elle entre à l’école. Le fait qu’on l’envoie à l’école interconfessionnelle de la Luisenstrasse à  Munich a sans doute moins à voir avec l’ouverture d’esprit de la mère qu’avec la proximité de l’appartement des grands-parents dans la Sophienstrasse, près du vieux jardin botanique. Traudl a eu un baptême protestant, mais elle grandit sans attachement à l’Eglise, elle manque souvent la messe dominicale pour les enfants.
              Dans l’appartement de cinq pièces presque luxueux de la Sophienstrasse, le grand-père, Maximilan Zottmann, né en 1852, donne le ton. Truadl le trouve strict et autoritaire, un pédant qui établit son emploi du temps à la minute près, accorde la plus grande valeur à la discipline et à l’ordre et ne plaisante pas beaucoup. Il ne peut pas remplacer le père. 3Elève mieux tes gamines », doit s’entendre dire la mère régulièrement quand Traudl et Inge rient trop fort et quelques décibels enfantins. Tant que la grand-mère vit, tout se passe bien quand même pour les enfants : Agathe Zottmann a une influence considérable sur les habitants de la maison. Traudl adore cette native de Leipzig, qui a connu son mari lors d’une cure à Bad Reichenhall. Plus tard, elle décrira sa grand-mère comme une femme extrêmement compréhensive et aimante. Traudl écoute avce enthousiasme les récits qu’elle fait de sa jeunesse à Leipzig, et quand, à l’école, elle doit écrire une rédaction sur le thème « Le voyage de mes rêves », à la différence de ses camarades qui rêvent d’Hawaï et de l’Hymalaya, elle choisit naturellement Leipzig.
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        #4
          Con Gấu 08.08.2007 04:52:14 (permalink)
          Agathe meurt en 1928, cette perte atteint durement Traudl, alors âgée de huit ans. Par la suite, le grand-père s révèle être plus que jamais un tyran domestique, et avare. Il se plaît en célibatire tardif et « sugar-daddy » de la jeune danseuse Thea, et fait savoir à chaque occasion à sa fille, qui tient son ménage, qu’elle et ses enfants vivent à ses crochets. En 1930, quand Traudl entre au lycée de jeunes filles Luisen, la mère demande une réduction des frais de scolarité car, avec l’argent compté pour les dépenses de ménage – 4,50 marks par jour pour quatre mangeurs -, elle ne peut pas assumer l’intégralité de la somme. Les jours d’excursion de l’école, Taudl doit souvent se déclarer malade parce que la mère ne peut pas trouver les 2,70 marks de participation aux frais. Malgré tout, Traudl ne trouve nullement son enfance et son adolescence malheureuses : aussi oppressante que soit la situation pour la mère et les enfant, elle les soude toutes les trois. Hildegard Humps n’est pas une femme particulièrement tendre – on ne peut pas la câliner et l’embrasser -, mais, malgré cette carence, les enfants se sentent aimées et aussi tout à fait comprises. La mère leur apporte la sécurité et son modèle d’éducation correspond aux idéaux de l’époque : vous devez devenir des gens « convenables », ne pas mentir, être serviables, honnêtes et modestes, vous monter accommodantes et avoir du tact, et ne pas vous mêmer des affaires des autres.
          Les jeunes filles doivent s’exercer de manière singulière à la vertu du tact quand le frère cadet de la mère fait son entrée dans la famille. Hans est un jeune homme très doué du point de vue artistique, il a terminé ses études d’architecture, mais il souffre de schizophrénie. Son délire de persécution et ses idées loufoques amusent souvent les enfants, mais les importunent parfois. Lorsqu’elles saisissent à quel point la mère doit souffrir de idées et des accusations démentielles de son frère, leur malaise grandit. Au milieu des années trente, comme au moins trois cent soixante mille Allemands qui souffrent de prétendues anomalies génétiques, Hans Zottmann est stérilisé de force. La famille ne s’interroge pas sur l’intervention, mais l’accepte comme un mal nécessaire. Comme père de famille, Hans serait vraiment irresponsable, se dit-on.
               Jeune fille, Traudl se réjouit de la vie. Elle aime la nature et les animaux, un chien ou des chats font toujours partie du foyer. Et elle va volontiers à l’école, non qu’elle soit particulièrement avide de culture, mais parce qu’elle se sent bien dans la communauté de la classe et qu’elle se retrouve volontiers avec ses amies. Rétrospectivement, elle se décrit comme un animal grégaire qui n’est pas fait pour la solitude, quelqu’un qui ne se fait pas remarquer par des idées individuelles et originales, mais qui cherche assurance, sécurité et reconnaissance dans la communauté et qui a un besoin prononcé d’harmonie. Ses performances scolaires sont d’une bonne moyenne, ses matières préférées sont le dessin et la gymnastique, l’allemand et l’anglais lui plaisent aussi. Elle est considérée comme une enfant pleine de vivacité, et quand son tempérament exige trop du grand-père ou de la mère, elle envoie le soir une instante prière tout à fait sincère à Dieu : « S’il te plaît, rends-moi gentille. » C’est surtout sa mère qu’elle ne veut pas faire souffrir, car son malheur personnel ne lui échappe pas. Malgré tout, elle ne manque pas d’insouciance. A des réprimandes comme : « Ah, Traudl, si seulement tu n’étais pas aussi turbulente », elle réplique déjà à six ans avec malice : « Et si Dieu voulait que ce soit comme ça ? » Cette phrase passe dans le langage courant de la famille. Les petits moments les plus beaux de sa jeune vie sont les rares sorties au cinéma – l’entrée du cinéma de Bogenhausen coûte  70pfennigs, Traudl et Inge marchent une bonne heure à pied dans Schwabing à Bogenhausen et même au retour ; ou ce sont les vacances d’été dans les pré-Alpes bavaroises, là où le grand-père a loué sa chasse : elle est située pendant longtemps à Aschau, puis à Seeon et enfin à Ammersee où, à l’âge de quatre-vingts ans, il abat son dernier chevreuil.
          A de multiples points de vue, 1933 est une année décisive pour Traudl , alors âgée de treize ans. Tout d’abord, la prise de pouvoir de Hitler est célébrée à l’école comme un grand événement solennel et comprise aussi par Traudl comme signal de la révolution et de l’essor imminents. Les images des hommes misérables, à l’air un peu louche, avec leurs visages sombres, qui traînent en bandes sur le Sendlinger-To-Platz, lui font encore peur. Rien que des chômeurs, lui a-t-on expliqué. Cela devrait changer désormais…
          De plus, en 1933, Max Humps réapparaît. En tant qu’allié de l’ »époque du combat » et porteur de l’Ordre du sang, on lui procure un poste dans l’administration du NSDAP. La position qu’il occupe n’intéresse pas sa fille, car elle n’a plus de relations avec son père depuis longtemps. Elle lui rend visite en 1934 ou 1935 dans son bureau de la Barer Strasse, une seule fois, car la mère ne se montre pas enthousiasmée par ce contact. Dans le bâtiment du numéro 15 se trouvent la « Direction de l’organisation du Reich », le centrale de la « Cellule nationale-socialiste d’organisation de l‘exploitation » ainsi que le « Bureau central des victimes de guerre » e le « Bureau cantral de la santé du peuple». La direction de la SA r réside à cette époque dans les deus hôtels également situés dans la Barer Strasse, Marien Bad et Union.
          Max Humps s’efforce de gagner la sympathie de Traudl avec des friandises et des preuves d’affection de même nature, mais elle reste distante et entretient ses préjugés contre son père. En décembre 1932 – en l’absence de son père - , le divorce a été prononcé, il n’a pas échappé à Traudl à quel point sa mère soufrait du procès dégradant. Max Humps avait tout d’abord fait preuve de peu de scrupules et d’une imagination surprenant pour rejeter la responsabilité de la séparation sur sa femme. Le général Maximilian Zottmann trouvait cela absolument indéfendable socialement d’avoir pour fille une femme divorcée fautive – selon le droit de mariage en vigueur à l’époque. Elle dut accepter un compromis douteux et proposer à son époux de renoncer à sa pension alimentaire s’il prenait tous les torts sur lui. Ainsi resta-t-elle dépendante de la charité du père. Défendue par un avocat juif, elle avait, lors de la confrontation, de plus  mauvais atouts que le porteur de l’Ordre du sang qu’était Mas. Il était facile de soupçonner que le juge chargé de l’affaire nourrissait de sympathies évidentes ou prenait docilement les devants : depuis la fin de juillet 1932, le NSDAP était, au moins provisoirement, la plus puissante force politique dans le pays.
           
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          #5
            Con Gấu 10.09.2007 02:54:18 (permalink)
                    Le jugement consolide en tout cas la conviction de Hilegard Humps : « ce Hitler » aurait –dès 1923 – détruit son mariage. C’est ce qu’elle exprime fréquemment après la prise de pouvoir et qui irrite la jeune Traudl. Celle-ci considère que l’opinion de sa mère est sans nuance, elle prend la défense du Führer et rêve comme un midinette de lui sauver un jour la vie. La célébrité par abnégation. Pendant ces années, elle l’aperçoit une fois en personne, alors qu’il se fait conduire dans sa voiture à la « Maison brune » dans la Brienner Strasse : un sentiment exaltant, même dans son souvenir. L’adolescente de près de quinze ans formule son impression sur Hitler dans cette simple pensée : le Führer doit être quelque chose de très grand… Elle est fière de l’Allemagne et du peuple allemand, frappée par l’idée sublime de la « communauté du peuple ». Dès que l’hymne allemand retentit, des larmes d’émotion lui montent aux yeux. Elle ne reçoit aucune formation politique, ni à cette époque, ni plus tard, ni à l’école, ni à la maison. Les professeurs du lycée Luisen se tiennent à couvert, Traudl n’a pas à écrire des rédactions propagandistes telles que des enseignant zélés de beaucoup d’écoles en inscrivent à leur programme. On traitait bien sûr des lois de Nürnberg, de notions comme « la question juive » ou l’ »hygiène raciale » et le « honte raciale », mais comme des faits établis. Et prises comme tels.  Elles intériorisent alors, comme une réalité qui fait peur autant qu’elle est irrévocable, que le bolchevisme est le plus grand ennemi du monde civilisé, qu’il menace de ruiner les mœurs et la culture. Le littérature nationaliste promeut le national-socialiste ne l’atteint pas, il y a sur sa table de nuit Trotzkopf et Netzhäkchen, plus tard ddes nouvelles de Theodor Storm ou le best-seller d’Agnes Günther, Die Heilige und ihr Narr (La Sainte et son Fou).
             
            A la maison, ni le national-socialisme, ni d’autres questions idéologiques  ne font l’objet de discussions. La mère entretient, il est vrai, sa colère personnelle contre Hitler, mais ses mesures politiques ne l’intéressent pas. Sur le bureau du grand-père se trouve un petit portrait du prince régent Luitpold, avec un compliment personnel pour son soixantième anniversaire, daté de 1912, un souvenir des temps anciens. Meillerus ? Maximilian Zottmann ne s’exprime pas, l’autorité régnant est pour lui celle qui doit être reconnue et, comme pour la plupart des « Allemands ordinaires », le système national-socialiste ne représente pas une réelle menace. Il est abonné au service de prêt de revues et périodiques, le seul magazine qu’il lit est Der deutsche Jäger (Le chasseur allemand), les livres ne l’intéressent pas.Les Münchner Neuesten Nachrichten arrivent chaque jour à la maison pour que l’on ne manque pas un épisode du feuilleton du moment. . Sur le poste à galène, la famille écoute des concerts à la carte, elle est assise le soir autour de la table avec des écouteurs et le livret et prête l’oreille à la représentation de l’opéra transmise en direct par téléphone. Le grand-père se met chaque fois en colère quand un appel pour l’une des jeunes filles gênait la diffusion.   
            1933 est avant tout une année décisive pour Traudl Junge parce qu’elle découvre sa passion pour la danse. Par sa sœur Inge, elle fait elle aussi la connaissance des deux sœurs Erika et Lore Klopfer, deux jeunes filles de bonne famille, le père avocat chez BMW, l’appartement luxueux de l’Arcisstrasse avec un personnel de maison conforme au rang. La mère Klopfer favorise les relations de se « enfants un peu gâtées », comme elle dit, avec la solide Inge. Et quand elle les inscrit toutes les deux à l’école de de danse pour enfants Loal Fasbender, où elles doivent surtout apprendre le maintien et l’agilité, elle paie aussi un cours pour Inge, dont le talent inhabituel ne peut passer inaperçu. Pendant les cours de danse, Traudl presse le nez contre la porte vitrée pour qu’aucune leçon ne lui échappe. Quand le professeur a pitié d’elle et l’invite à participer, c’est pour elle comme si la porte du paradis s’ouvrait, et elle commence à découvrir la gymnastique rythmique.
            C’est seulement en 1936 que Traudl et Inge s’aperçoivent qu’Erika et Lore sont juives, quand toutes les deux émigrent à New-York. Cela peut tenir au fait que les amies ne le savaient pas elles-mêmes auparavant. Ses parents lui ont fait un baptême protestant, raconte Erika Stone, née Klopfer, elles entendaient dire par leur mère que la religion était dans le cœur. Celle-ci réagit avec retenue, il est vrai., à l’enthousiasme des enfants « pour le faste et l’apparat de la propagande nationale-socialiste de masse, pour les marches et les chants », mais c’est juste avant le départ qu’elle parle aus jeunes filles, tourmentées par la douleur des adieux, de leurs racines juives et du danger pour les Juifs en Allemagne.
            Pendant les trois années d’amitié, il échappe à Traudl que le père Klopfer reçoit l’interdiction d’exercer sa profession, que la famille congédie ses employés de maison et emménage dans un appartement nettement plus petit dans la Tengstrasse. Elle envie pourtant les jeunes filles pour leur voyage aventureux en Amérique … et celles-ci l’envient pour son uniforme du BDM.
            Depuis 1935 environ, Traudl faitpartie du Bund Deutscher Mädel (Union des jeunes filles allemandes). La mère épargne péniblement de l’argent du ménage pour la « veste d’escalade » brune qui fait partie de l’uniforme, et lorsque Traudl prote enfin l’objet de désir en velours, elle est extrêment fière. Elle dirige un groupe de six jeunes filles de sa classe – elles se nomment « les six grâces ». Elles font des exercices sur la terrasse du lycée – à droite, marche – et lancent les paroles du « Sieg Heil », »Sieg », crie Traudl. « Heil », clament en retour ses protégées. Il lui reste sinon peu de choses en mémoire des activités du BDM : seulement des soirées ennuyeuses au foyer, des haies lors de différentes manifestations, la fête d’inauguration de la première cité ouvrière à Ramersdorf, au courd de laquelle, elle et ses camarades, exécutent des danses folkloriques, les collectes pour les œuvres de bienfaisance d’hiver, l’excursion à Wolfratshausen avec feu de camp et tentes – Herta. Celle-ci est sa chef de groupe quand Traudl a seize ou dix-sept ans et elle fréquente déjà l’école de commerce. Elle explique aux jeunes filles ce que le Troisième Reich entend par art et littérature, fait de la musique avec elles et leur montre des sentiers pédestres idylliques. Traudl la prend pour modèle. Une fois, alors qu’elle se trouve seule invitée chez elle, Herta la prend dans ses bras pour lui dire au revoir et l’embrasse sur la bouche. Traudl, dont l’intérêt pour le monde masculin n’est pas encore éveillé, mais qui aspire à la tendresse, est profondément impressionnée par tant de chaleur.
            aEn 1938, elle perd de vue sa chef adorée car, pour la première fois, quelque chose de plus intéressant se présente : Traudl entre dans l’organisation « Glaube und Schönheit » (Foi et Beauté), une nouvelle institution à l’intérieur du BDMpour les femmes « aryennes » du Reich, âgées de dix-huit à vingt-et-un ans. « La mission de notre union est de faire de nos jeunes filles des protagonistes de l’idéologie nationale-socialiste ». Des jeunes filles qui construisent une harmonie entre le corps, l’âme et l’esprit, qui incarnent par la santé de leur corps et l’équilibre de leur être cette beauté qui manifeste que l’être humain est une création du tout-puissant », ainsi Jutta Rädiger, dirigeant du BDM à partir de 1937, pose-t-elle les objectifs de l’association. « Nous voulons former des jeunes filles fières afin qu’elles choisissent un jour des combattants pour compagnons. Nous voulons des jeunes filles qui croient sans réserve à l’Allemagne et au Führer et déposent un jour cette foi dans le cœur de leurs enfants ; alors le national-socialisme et , par là même, l’Allemagne subsisteront à jamais ».
            #6
              Con Gấu 10.09.2007 02:57:43 (permalink)
              Dans « Glaube und Schönheit », on parle à peine de politique, tout aussi peu que dans la plupart des organisations de jeunesse du Troisième Reich. On y pratique surtout avec grâce la gymnastique et la danse, pour empêcher un « devenir de garçon manqué » ou une « virilisation » en entretenant intentionnellement une « ligne féminine ». En effet, la gymnastique artistique vise aussi à réaliser une fonctionnalisation des jeune femmes pour répondre aux objectifs du parti et de l’Etat. Bien sûr, on ne leur dit pas aussi clairement, et Traudl Junge ne l’entend pour la première fois que des décennies après la guerre. Leur engagement artistique doit éduquer les jeunes filles à une « personnalité liée à la communauté » et les tenir à distance d’une retraite prématurée dans le rôle de mère et d’épouse. Au lieu de cela, elles doivent continuer à s’engager pour le « Führer, le peuple et la patrie ». Finalement, « Glaube und Schönheit » sert aussi commandement, c’est-à-dire pour des fonctions dans le BDM, dans la Ligue des femmes nazies ou dans le Service du travail du Reich.
              Traudl n’est pas gênée par les thèmes « conduite et organisation » ou « formation politico-intellectuelle » qui, selon le règlement, font partie de l’enseignement de « Glaube und Schönheit », elle ne peut pas s’en souvenir aujourd’hui en tout cas. Elle se laisse fasciner par le Troisième Reich à travers ses grandes manifestations culturelles spectaculaires – le « capitale du mouvement » est la ville des défilés.
              En juillet 1937 et les deux années suivantes, elle est enthousiasmée par le faste avec lequel est célébrée la « Journée de l’art allemand » avec son cortège long de plus de trois kilomètres, « Deux mille ans de culture allemande »,tout comme par la « Nuit des amazones », qui a lieu chaque année entre 1936 et 1939 dans le parc du château de Nymphenburg. Le concept nazi de l’autoreprésentation émotionnelle et idéologique unifiante est en train d’éclore. A cela s’ajoute que la sœur de Traudl participe à la première partie du programme de la « Journée de l’art allemand » : elle danse lors de la représentation de l’Enlèvement des Sabines sur la scène flottante du Kleinhesselhoher See dans le jardin anglais. Traudl aussi participe en marge aux efforts culturels des nazis. Elle est figurante dans la « Nuit des amazones » et – dès quinze ans – elle sert de modèle au sculpteur et tailleur de marionnettes suisse, Walter Oberholzer, qui doit modeler une fontaine. La jeune fille en bronze qui lance une balle à un faune crachant de l’eau a le corps bien formé de Traudl, mais pas son visage. En 1937, l’ensemble est exposé dans la Maison de l’art allemand.
              Il est aussi impossible de saisir l’opinion claire de l’adolescente sur le Troisième Reich que, probablement, celle de la majeure partie de la population allemande et à plus forte raison de la jeunesse de cette époque. Autant Traudl se laisse envoûter par l’esthétique des grandes manifestations, autant elle se joint à l’allégresse suscitée par les triomphes des sportifs allemands lors des Jeux olympiques et par les succès de la politique étrangère de Hitler, autant elle trouve repoussants les aspects brutaux de la politique communale du parti. La « nazitude outrancière » et « terre à terre », comme elle dit aujourd’hui, mais elle est pourtant aussi loin que la plupart de ses contemporains de mettre en question le gouvernement. Autant elle peut rire des blagues qui circulent sur Hitler, aussi étrange et répugnant qu’elle puisse trouver le Stürmer et ses caricatures antisémites, autant elle réalise peu à quel point la menace est d’une importance vitale pour les opposants et les Juifs. Au lycée, elle a trois camarades juives. Pendant leur scolarité commune, jusqu’en 1936 doc, elles étaient traitées à égalité aussi bien par les professeurs que par les élèves, et, si tant est que leur judéité ait été mentionnée, c’était seulement comme leur croyance religieuse.  Ensuite, elle les perd toutes les trois de vue, elle entend dire que l’une d’elles émigre avec ses parents, elle ignore encore aujourd’hui ce que sont devenues les deux autres. La jeune fille de dix-huit ans ne comprend pas grand-chose au pogrome de 1938, aux « représailles contre les magasins juifs dont toutes les vitrines ont été en grande partie brisées », comme les « Münchner Neuesten Nachrichten » le rapportent le lendemain, aux synagogues en flammes et aux arrestations arbitraires de centaines d’hommes juifs. Bien sûr, elle et ses amis sont choqués par ce qu’ils entendent les jours suivants sur la brutalité avec laquelle les nazis ont procédé, mais ils se rassurent en se disant qu’il doit s’agir d’un événement exceptionnel. Et cela les touche finalement aussi peu que les autres brimades contre les Juifs, le premier boycotte des Juifs ordonné par l’Etat le 1er avril 1933, les pancartes avec l’inscription « Interdit aux Juifs », la « déjudéisation » complète de l’économie à partir du début de 1939 ou le marquage des Juifs avec l’étoile jaune à partir de septembre 1941. Elle ne peut se souvenir que d’une seule rencontre avec une femme ainsi stigmatisée, une impression fugitive à laquelle elle ne réfléchit pas plus longtemps. Et preuve du bon fonctionnement du refoulement.
              Traudl vit une vie hors de la politique, comme beaucoup de jeunes Allemands de son époque. C’est ainsi qu’elle le ressent en tout cas et cela confirme – une fois de plus – deux faits qui ne sont contradictoires qu’en apparence : d’un côté, à quel point la tactique du régime était habile pour constituer une « jeunesse d’Etat » fidèle à la ligne du parti ; d’un autre côté, qu’il y avait bien sûr des espaces de liberté dans lesquels les jeunes « non affectés » comme Traudl pouvaient se déplacer sans contrainte et –comme ils le pensaient – sans être du tout observés.

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