RE: Dans la tanière du loup - Traudl JUNGE
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10.09.2007 02:54:18
Le jugement consolide en tout cas la conviction de Hilegard Humps : « ce Hitler » aurait –dès 1923 – détruit son mariage. C’est ce qu’elle exprime fréquemment après la prise de pouvoir et qui irrite la jeune Traudl. Celle-ci considère que l’opinion de sa mère est sans nuance, elle prend la défense du Führer et rêve comme un midinette de lui sauver un jour la vie. La célébrité par abnégation. Pendant ces années, elle l’aperçoit une fois en personne, alors qu’il se fait conduire dans sa voiture à la « Maison brune » dans la Brienner Strasse : un sentiment exaltant, même dans son souvenir. L’adolescente de près de quinze ans formule son impression sur Hitler dans cette simple pensée : le Führer doit être quelque chose de très grand… Elle est fière de l’Allemagne et du peuple allemand, frappée par l’idée sublime de la « communauté du peuple ». Dès que l’hymne allemand retentit, des larmes d’émotion lui montent aux yeux. Elle ne reçoit aucune formation politique, ni à cette époque, ni plus tard, ni à l’école, ni à la maison. Les professeurs du lycée Luisen se tiennent à couvert, Traudl n’a pas à écrire des rédactions propagandistes telles que des enseignant zélés de beaucoup d’écoles en inscrivent à leur programme. On traitait bien sûr des lois de Nürnberg, de notions comme « la question juive » ou l’ »hygiène raciale » et le « honte raciale », mais comme des faits établis. Et prises comme tels. Elles intériorisent alors, comme une réalité qui fait peur autant qu’elle est irrévocable, que le bolchevisme est le plus grand ennemi du monde civilisé, qu’il menace de ruiner les mœurs et la culture. Le littérature nationaliste promeut le national-socialiste ne l’atteint pas, il y a sur sa table de nuit Trotzkopf et Netzhäkchen, plus tard ddes nouvelles de Theodor Storm ou le best-seller d’Agnes Günther, Die Heilige und ihr Narr (La Sainte et son Fou).
A la maison, ni le national-socialisme, ni d’autres questions idéologiques ne font l’objet de discussions. La mère entretient, il est vrai, sa colère personnelle contre Hitler, mais ses mesures politiques ne l’intéressent pas. Sur le bureau du grand-père se trouve un petit portrait du prince régent Luitpold, avec un compliment personnel pour son soixantième anniversaire, daté de 1912, un souvenir des temps anciens. Meillerus ? Maximilian Zottmann ne s’exprime pas, l’autorité régnant est pour lui celle qui doit être reconnue et, comme pour la plupart des « Allemands ordinaires », le système national-socialiste ne représente pas une réelle menace. Il est abonné au service de prêt de revues et périodiques, le seul magazine qu’il lit est Der deutsche Jäger (Le chasseur allemand), les livres ne l’intéressent pas.Les Münchner Neuesten Nachrichten arrivent chaque jour à la maison pour que l’on ne manque pas un épisode du feuilleton du moment. . Sur le poste à galène, la famille écoute des concerts à la carte, elle est assise le soir autour de la table avec des écouteurs et le livret et prête l’oreille à la représentation de l’opéra transmise en direct par téléphone. Le grand-père se met chaque fois en colère quand un appel pour l’une des jeunes filles gênait la diffusion.
1933 est avant tout une année décisive pour Traudl Junge parce qu’elle découvre sa passion pour la danse. Par sa sœur Inge, elle fait elle aussi la connaissance des deux sœurs Erika et Lore Klopfer, deux jeunes filles de bonne famille, le père avocat chez BMW, l’appartement luxueux de l’Arcisstrasse avec un personnel de maison conforme au rang. La mère Klopfer favorise les relations de se « enfants un peu gâtées », comme elle dit, avec la solide Inge. Et quand elle les inscrit toutes les deux à l’école de de danse pour enfants Loal Fasbender, où elles doivent surtout apprendre le maintien et l’agilité, elle paie aussi un cours pour Inge, dont le talent inhabituel ne peut passer inaperçu. Pendant les cours de danse, Traudl presse le nez contre la porte vitrée pour qu’aucune leçon ne lui échappe. Quand le professeur a pitié d’elle et l’invite à participer, c’est pour elle comme si la porte du paradis s’ouvrait, et elle commence à découvrir la gymnastique rythmique.
C’est seulement en 1936 que Traudl et Inge s’aperçoivent qu’Erika et Lore sont juives, quand toutes les deux émigrent à New-York. Cela peut tenir au fait que les amies ne le savaient pas elles-mêmes auparavant. Ses parents lui ont fait un baptême protestant, raconte Erika Stone, née Klopfer, elles entendaient dire par leur mère que la religion était dans le cœur. Celle-ci réagit avec retenue, il est vrai., à l’enthousiasme des enfants « pour le faste et l’apparat de la propagande nationale-socialiste de masse, pour les marches et les chants », mais c’est juste avant le départ qu’elle parle aus jeunes filles, tourmentées par la douleur des adieux, de leurs racines juives et du danger pour les Juifs en Allemagne.
Pendant les trois années d’amitié, il échappe à Traudl que le père Klopfer reçoit l’interdiction d’exercer sa profession, que la famille congédie ses employés de maison et emménage dans un appartement nettement plus petit dans la Tengstrasse. Elle envie pourtant les jeunes filles pour leur voyage aventureux en Amérique … et celles-ci l’envient pour son uniforme du BDM.
Depuis 1935 environ, Traudl faitpartie du Bund Deutscher Mädel (Union des jeunes filles allemandes). La mère épargne péniblement de l’argent du ménage pour la « veste d’escalade » brune qui fait partie de l’uniforme, et lorsque Traudl prote enfin l’objet de désir en velours, elle est extrêment fière. Elle dirige un groupe de six jeunes filles de sa classe – elles se nomment « les six grâces ». Elles font des exercices sur la terrasse du lycée – à droite, marche – et lancent les paroles du « Sieg Heil », »Sieg », crie Traudl. « Heil », clament en retour ses protégées. Il lui reste sinon peu de choses en mémoire des activités du BDM : seulement des soirées ennuyeuses au foyer, des haies lors de différentes manifestations, la fête d’inauguration de la première cité ouvrière à Ramersdorf, au courd de laquelle, elle et ses camarades, exécutent des danses folkloriques, les collectes pour les œuvres de bienfaisance d’hiver, l’excursion à Wolfratshausen avec feu de camp et tentes – Herta. Celle-ci est sa chef de groupe quand Traudl a seize ou dix-sept ans et elle fréquente déjà l’école de commerce. Elle explique aux jeunes filles ce que le Troisième Reich entend par art et littérature, fait de la musique avec elles et leur montre des sentiers pédestres idylliques. Traudl la prend pour modèle. Une fois, alors qu’elle se trouve seule invitée chez elle, Herta la prend dans ses bras pour lui dire au revoir et l’embrasse sur la bouche. Traudl, dont l’intérêt pour le monde masculin n’est pas encore éveillé, mais qui aspire à la tendresse, est profondément impressionnée par tant de chaleur.
aEn 1938, elle perd de vue sa chef adorée car, pour la première fois, quelque chose de plus intéressant se présente : Traudl entre dans l’organisation « Glaube und Schönheit » (Foi et Beauté), une nouvelle institution à l’intérieur du BDMpour les femmes « aryennes » du Reich, âgées de dix-huit à vingt-et-un ans. « La mission de notre union est de faire de nos jeunes filles des protagonistes de l’idéologie nationale-socialiste ». Des jeunes filles qui construisent une harmonie entre le corps, l’âme et l’esprit, qui incarnent par la santé de leur corps et l’équilibre de leur être cette beauté qui manifeste que l’être humain est une création du tout-puissant », ainsi Jutta Rädiger, dirigeant du BDM à partir de 1937, pose-t-elle les objectifs de l’association. « Nous voulons former des jeunes filles fières afin qu’elles choisissent un jour des combattants pour compagnons. Nous voulons des jeunes filles qui croient sans réserve à l’Allemagne et au Führer et déposent un jour cette foi dans le cœur de leurs enfants ; alors le national-socialisme et , par là même, l’Allemagne subsisteront à jamais ».