Les aventures de Pinocchio
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Thanh Vân 18.07.2008 05:07:00 (permalink)
Chapitre 30


Au lieu de se transformer en petit garçon, la marionnette part en cachette au Pays des Jouets avec son ami La Mèche.


Naturellement, Pinocchio demanda tout de suite à la Fée la permission de sortir pour faire les invitations au goûter du lendemain. Celle-ci lui répondit :
-         Va, mais rappelle-toi que tu dois être rentré avant la nuit. Tu as bien compris ?
-         Dans une heure, je serai de retour – affirma la marionnette.
-         Attention, Pinocchio ! Les enfants promettent facilement mais, le plus souvent, ils ne tiennent pas parole. 
-         Moi, je ne suis pas comme les autres enfants. Quand je dis une chose, je la fais.
-         On verra. Mais si tu désobéis, tu le regretteras.
-         Pourquoi ?
-         Parce qu’il arrive toujours malheur aux enfants qui n’écoutent pas ceux qui en savent plus long qu’eux.
-         Je m’en suis déjà aperçu ! – reconnut Pinocchio – Mais maintenant, on ne m’y reprendra plus !
-         On verra bien si tu dis vrai.
Pinocchio ne répondit rien, dit au revoir à sa bonne Fée qui était pour lui comme une maman et il partit en chantant et en esquissant des pas de danse.
Une heure plus tard, il avait fait le tour de tous ses amis pour les inviter. Certains acceptèrent tout de suite avec joie, d’autres se firent un peu prier, mais quand ils surent que les tartines à tremper dans le café au lait seraient beurrées des deux côtés, ils finirent par dire : « D’accord, on viendra pour te faire plaisir ».
Ici, il faut savoir que, parmi tous ses copains et camarades d’école, Pinocchio en préférait un qui lui était parti­culièrement cher. Celui-ci se prénommait Roméo mais tout le monde l’appelait La Mèche à cause de son phy­sique allongé et raide, comme une mèche neuve pour lampe à huile.  
La Mèche était le garçon le plus paresseux et le plus indiscipliné de toute l’école, mais Pinocchio l’aimait beaucoup. Il était allé chez lui en premier pour l’inviter au goûter et ne l’avait pas trouvé. Il y retourna deux fois, sans plus de succès.
Où pouvait-il le dénicher ? Il le chercha un peu partout. Finalement, il le retrouva caché sous le porche d’une ferme.
-         Qu’est-ce que tu fais là ? –  demanda Pinocchio en s’approchant de lui.
-         J’attends minuit pour partir.
-         Où vas-tu donc ?
-         Loin, très loin !
-         Je suis allé trois fois chez toi.
-         Que me voulais-tu ?
-         Tu ne connais donc pas la grande nouvelle ? Tu ne sais donc pas la chance que j’ai ? 
-         Quelle chance ?
-         Demain s’achève ma vie de marionnette. Je vais être un garçon comme un autre.
-         Grand bien te fasse !
-         C’est pourquoi je t’invite à un goûter chez moi demain.
-         Mais je te dis que je pars ce soir.
-         A quelle heure ?
-         Bientôt.
-         Tu vas où exactement ?
-         Je vais vivre dans le plus beau pays du monde, un vrai pays de cocagne !
-         Comment s’appelle ce pays ?
-         C’est le Pays des Jouets. Tu ne veux pas venir avec moi ?
-         Moi ? Certainement pas !
-         Tu as tort, Pinocchio ! Si tu ne viens pas, tu t’en repentiras, crois-moi. Car où trouver ailleurs un pays aussi idyllique pour nous autres les enfants ? Il n’y a ni école, ni maîtres, ni livres. Dans ce pays béni, il n’y a rien à apprendre. Ici, le jeudi est un jour de congé. Eh bien, dans ce pays, la semaine se compose de six jeudis, plus le dimanche. Les grandes vacances commencent le Premier de l’An et finissent à la Saint-Sylvestre. Voilà un pays qui me convient parfaitement ! Tous les pays civilisés devraient lui res­sembler.  
-         Que fait-on de ses journées au Pays des Jouets ? – interrogea la marionnette.
-         On joue, on s’amuse du matin au soir. Le soir, on va au lit, et le lendemain matin, on recommence. Qu’en dis-tu ?
-         Hum ! – fit Pinocchio avec un mouvement de tête approbateur qui semblait dire : « C’est une vie que je mènerais volontiers, moi aussi ».
-         Alors, tu viens ou pas ? Décide-toi !
-         Non, non, non et non ! J’ai promis à la Fée d’être un bon garçon et de tenir mes promesses. D’ailleurs, je vois que le soleil se couche. Je te laisse et je file. Adieu et bon voyage !
-         Mais où es-tu si pressé d’aller ?
-         Chez moi. Ma bonne Fée veut que je revienne avant la nuit.
-         Attends au moins deux minutes.
-         C’est que je suis déjà en retard.
-         Deux minutes seulement...
-         Et si la Fée me gronde ?
-         Laisse-là dire. Après, elle s’arrêtera – affirma ce polisson de La Mèche.
-         Tu pars seul ou avec d’autres ? – questionna encore Pinocchio.
-         Seul ? Mais nous serons plus de cent !
-         Et le voyage, vous le faites à pied ?
-         A minuit passera une charrette qui doit nous emmener dans ce pays extraordinaire.
-         Qu’est-ce que je donnerai pour être ici à minuit ! – soupira Pinocchio.
-         Pourquoi ?
-         Pour vous voir tous partir ensemble.
-         Tu n’as qu’à rester et tu nous verras.
-         Non, non. Il faut que je rentre chez moi.
-         Allez ! Deux minutes seulement...
-         J’ai déjà trop tardé ! La Fée va être inquiète.
-         Oh, la pauvre Fée !... De quoi a-t-elle peur ? Que les chauve-souris te dévorent?
-         Ainsi – continua Pinocchio – tu es vraiment sûr que, dans ce pays, il n’y a pas du tout d’école ?
-         Pas l’ombre d’une.
-         Ni de maîtres ?
-         Pas un seul.
-         Que l’on n’est pas obligé de travailler ?
-         Absolument !
-         Quel beau pays ! – s’exclama Pinocchio qui se sentait venir l’eau à la bouche – Quel beau pays ! Je n’y suis jamais allé mais je l’imagine fort bien !
-         Alors ? Pourquoi ne pas y aller, toi aussi ? – s’étonna La Mèche.
-         Ne me tente pas, c’est inutile ! J’ai promis à la Fée de ne pas renier ma parole.
-         Puisque c’est ainsi, au revoir Pinocchio! Salue de ma part les petits et les grands de l’école si tu les croi­ses sur ton chemin 
-         Adieu, La Mèche ! Bon voyage ! Amuse-toi bien et pense de temps en temps aux amis !
La marionnette s’éloigna de deux pas, s’arrêta, se retourna :
-         Tu es sûr et certain que, dans ce pays, il y a six jeudis et un dimanche dans la semaine ? 
-         Tout à fait sûr.
-         Que les vacances commence le premier janvier et se terminent le trente et un décembre ? 
-         Je te l’ai dit !
-         Quel beau pays ! – répéta Pinocchio, rêveur.
Puis, d’un ton résolu, il lança précipitamment:
-         Cette fois, adieu pour de bon !
-         Adieu ! – répondit La Mèche.
-         Au fait, vous partez dans combien de temps ?
-         Dans deux heures.
-         Dommage ! Si cela avait été dans une heure, j’aurais pu attendre.
-         Mais la Fée ? – fit remarquer son camarade.
-         Maintenant je suis vraiment en retard. Alors, une heure de plus ou de moins...
-         Sacré Pinocchio ! Et si la Fée te gronde ?
-         Bah ! Je la laisserai dire. Après, elle s’arrêtera bien...
Il faisait nuit, et même nuit noire quand ils aperçurent dans le lointain une lanterne allumée qui se balançait. Bientôt, ils entendirent un léger bruit de grelots et un coup de trompe aussi ténu que le zinzin d’un moustique.  
-         La voilà ! – cria La Mèche en sautant sur ses pieds.
-         Qu’est-ce que c’est ? – demanda Pinocchio à voix basse.
-         C’est la charrette qui vient me chercher. Alors, tu viens ou pas ?
-         C’est vraiment vrai que, dans ce pays, les enfants ne sont pas obligés d’aller à l’école ?
-         C’est tout à fait vrai !
-         Quel beau pays !... Quel beau pays !... Quel beau pays tout de même!...
#31
    Thanh Vân 18.07.2008 05:07:41 (permalink)
    Chapitre 31


    Après cinq mois passés au pays de cocagne, Pinocchio, à sa grande surprise, se voit pousser des oreilles d’âne. Il devient un vrai bourricot, avec la queue et tout le reste.


    Enfin la charrette arriva. Elle ne faisait aucun bruit car ses roues étaient enrobées d’étoupe et de chiffons.
    Douze paires d’ânons composaient l’attelage. Ils avaient tous la même taille mais leurs pelages étaient de couleurs différentes.
    Quelques-uns uns de ces petits ânes étaient tout gris, d’autres blancs, d’autres encore avaient viré au poivre et sel. Certains avaient des grandes rayures jaunes et bleues. Mais le plus singulier était qu’au lieu d’être ferrés comme le sont habituellement les bêtes de trait ou de somme, ils étaient tous chaussés de bottes de cuir blanc.
    Et le cocher ?
    Imaginez un petit bonhomme plus large que haut, mou et onctueux comme une motte de beurre, au visage comme une pomme de rose, avec une petite bouche toujours rieuse et une voix douce et caressante comme celle d’un chat cherchant à s’attirer les bonnes grâces de la maîtresse de maison.   
    Dés qu’ils le voyaient, tous les enfants étaient séduits et se mettaient à courir pour monter dans sa charrette qui devait les emmener dans ce pays de cocagne que les cartes de géographie désignent sous le nom de « Pays des Jouets ».
    La charrette était déjà occupée par de jeunes enfants entre huit et douze ans, entassés les uns contre les au­tres comme des anchois dans la saumure. Serrés comme ils étaient, ils pouvaient à peine respirer mais aucun d’eux ne se plaignait. Ils se consolaient en pensant que, bientôt, ils arriveraient dans un endroit sans livres, ni écoles, ni maîtres. Cela les rendait si contents et si patients qu’ils en oubliaient les désagréments et la fatigue du voyage ainsi que la faim, la soif et l’envie de dormir. 
    La charrette arrêtée, le petit homme se tourna vers La Mèche et, après mille minauderies, lui demanda, tout sourire :
    -         Dis-moi, bel enfant, tu veux aller, toi aussi, au pays du bonheur ? 
    -         Sûr que je veux y aller – répondit le garçon.
    -         Le problème, mon chéri, c’est qu’il n’y a plus de place. Comme tu vois, la charrette est pleine.
    -         Aucune importance ! Puisqu’il n’y a plus de place dedans, je vais m’installer sur les brancards.
    La Mèche prit son élan et s’assit à califourchon sur la pièce de bois
    -         Et toi, mon joli ? – demanda le cocher en se penchant, cérémonieux, vers Pinocchio – Que souhaites-tu faire ? Venir avec nous ou rester ici ?
    -         Moi, je reste. – décida la marionnette – Je veux rentrer chez moi pour étudier et réussir à l’école comme font tous les enfants sages.
    -         Alors, bonne chance !
    -         Pinocchio, écoute ! – intervint La Mèche – Viens avec nous, cela nous fera plaisir !
    -         Non, non, non !
    -         Viens ! Cela nous fera plaisir. – lui crièrent d’autres enfants.
    -         Viens avec nous ! -  hurlèrent tous ensemble les occupants de la charrette.
    -         Mais si je viens avec vous, qu’est-ce que je vais dire à ma bonne fée ? – interrogea la marionnette qui commençait à faiblir et à tergiverser.
    -         Ne te tracasse donc pas comme cela. Pense plutôt que nous allons dans un pays où l’on peut faire tout ce que l’on veut du matin au soir.
    Nulle réponse de la part de Pinocchio mais un premier soupir, puis un autre, et encore un autre. Et, au bout du compte :
    -         D’accord ! Faites-moi un peu de place. Je pars avec vous.
    -         C’est complet – fit remarquer le cocher – mais comme tu es le bienvenu, je te cède volontiers mon siège.
    -         Mais vous ?
    -         Moi, j’irai à pied.
    -         Non, non. Ne vous dérangez pas. Je vais grimper sur le dos de l’un de ces ânes.
    Sitôt dit, sitôt fait. Choisissant l’une des deux bêtes de tête, Pinocchio s’apprêtait à la monter quand l’animal, sans prévenir, lui donna un grand coup de museau dans l’estomac, l’envoyant valdinguer les quatre fers en l’air. 
    Vous imaginez l’énorme éclat de rire et les quolibets des enfants entassés dans la charrette qui avaient tout vu!
    Seul le petit homme ne rit pas. Affectant la plus grande tendresse, il s’approcha de l’âne rebelle et fit semblant de l’embrasser. En réalité, il lui mordit l’oreille droite et lui en arracha la moitié.
    Au même moment, Pinocchio se relevait, furieux, et sautait d’un bond sur le dos du pauvre animal. Le saut avait été si beau que les enfants cessèrent de rire, se mirent à crier « Vive Pinocchio ! » et à applaudir à tout rompre. 
    Mais, sans crier gare, l’âne rua de ses deux pattes arrière et éjecta la marionnette qui se retrouva sur un tas de graviers au milieu de la route.  
    De nouveau les rires fusèrent. Seul le cocher resta imperturbable tout en manifestant la même tendresse pour l’indiscipliné en allant lui couper net la moitié de l’autre oreille. Ceci fait, il se tourna vers Pinocchio :  
    -         N’aie pas peur et remonte ! Cette bête avait en tête des idées malsaines mais je lui ai glissé deux mots à l’oreille. Maintenant elle restera tranquille et sera raisonnable.
    La marionnette regrimpa donc sur le dos du petit âne et la charrette démarra. Or, pendant que l’attelage galo­pait sur la grande route pierreuse, Pinocchio crut entendre une voix étouffée, à peine intelligible, qui lui disait :
    -         Pauvre idiot ! Tu as voulu n’en faire qu’à ta tête, mais tu le regretteras !
    Apeurée, la marionnette regarda autour d’elle pour savoir qui avait bien pu parler ainsi. Elle ne vit personne : les ânons trottaient, la charrette roulait et les enfants dormaient. La Mèche ronflait comme un loir et le cocher chantonnait sur son siège :
     « La nuit, tout le monde dort / Moi, je ne dors jamais... »                                                                                                                                                          
    Cinq cents mètres plus loin, Pinocchio entendit encore la même voix sourde:
    -         Tiens-toi-le pour dit, petit imbécile ! Les enfants qui arrêtent de travailler, qui se moquent des livres, de l’école et des maîtres, qui ne pensent qu’à jouer et à s’amuser finissent toujours dans le malheur ! Je le sais par expérience. Je peux donc te l’affirmer. Viendra le jour où tu pleureras, toi aussi, comme je pleure, moi, aujourd’hui... Mais ce sera trop tard !
    Plus effrayé que jamais par ces murmures, Pinocchio quitta la croupe de sa monture pour aller s’agripper à son cou. 
    Et là, quel ne fut pas son étonnement quand il se rendit compte que le petit âne pleurait... Et qu’il pleurait comme un enfant !
    -         Hé ! Ho ! Monsieur le petit bonhomme ! – cria alors Pinocchio au charretier – Vous savez quoi ? Eh bien, cet âne pleure.
    -         Laisse-le pleurer. Il rira le jour de ses noces.
    -         Peut-être lui avez-vous aussi appris à parler ?
    -         Non. Il a appris tout seul à balbutier quelques mots car il a vécu trois ans avec des chiens savants.
    -         Pauvre bête !
    -         Allez, allez... On ne va pas perdre notre temps à regarder pleurer un âne. Remets-toi d’aplomb que l’on puisse repartir. La nuit est fraîche et la route est longue.  
    La marionnette obéit sans ajouter un mot et la charrette reprit sa course. Le lendemain, au lever du jour, ils arri­vèrent sans encombre au Pays des Jouets.
    Ce pays ne ressemblait à aucun autre. Il n’y avait que des enfants. Les plus vieux avaient quatorze ans, les plus jeunes à peine huit. Dans les rues ce n’étaient que bonne humeur, tapages et cris à vous crever le tympan ! Des bandes de gamins partout jouant aux osselets, à la marelle, au ballon, faisant du vélo ou du cheval de bois, ayant organisé une partie de colin-maillard ou se courant après. Certains chantaient, d’autres faisaient des sauts périlleux ou s’amusaient à marcher sur les mains. Un général au casque fabriqué avec du feuillage passait en revue un escadron en papier mâché. On riait, on hurlait, on s’appelait, on battait des mains, on sif­flait, on imitait le chant de la poule venant de pondre un oeuf... Le boucan était tel qu’il aurait fallu se mettre du coton dans les oreilles pour ne pas devenir sourd. Sur chaque place, il y avait un spectacle sous tente qui atti­rait tout au long de la journée une foule d’enfants et sur les murs des maisons on pouvait lire, tracées au char­bon, de jolies choses comme : « Vive les joués » (au lieu de « jouets »), « On ne veu plus des colles » (au lieu de « On ne veut plus d’école »), « A bas Lari Temétique » (au lieu de « A bas l’arithmétique ») et autres perles de ce genre.
    Pinocchio, La Mèche et tous les enfants qui étaient dans la charrette du petit homme se fondirent dans cette cohue dés qu’ils furent dans la ville et ils n’eurent aucun mal, comme on peut le deviner, à devenir les amis de tout le monde. Impossible d’être plus heureux qu’eux !
    Jeux et divertissements ne cessant jamais, les heures, les jours et les semaines filaient à toute vitesse.
    -         Quelle belle vie ! – s’exclamait Pinocchio à chaque fois qu’il croisait La Mèche.
    -         Tu vois que j’avais raison – répliquait l’autre – Et dire que tu ne voulais pas venir ! Que tu t’étais mis dans la tête de retourner chez la fée et de perdre ton temps à étudier ! Si aujourd’hui tu ne t’ennuies plus avec les livres et l’école, c’est bien grâce à moi et à mes conseils, d’accord ? Seuls les vrais amis sa­vent rendre de tels services.  
    -         C’est vrai ! Si je suis enfin content, c’est à toi que je le dois. Quand je pense à ce que me disait le maî­tre en parlant de toi... Tu sais ce qu’il me disait ? Il me disait toujours : « Ne fréquente pas ce fripon de La Mèche ! C’est un mauvais compagnon qui ne peut que t’attirer sur la mauvaise pente. »   
    -         Pauvre maître ! – soupira La Mèche – Je sais qu’il ne m’avait pas à la bonne et qu’il n’arrêtait pas de me calomnier. Mais je suis généreux et je lui pardonne !
    -         Quel bon cœur tu as ! – conclut Pinocchio en étreignant affectueusement son ami et en l’embrassant sur le front. 
    Cinq mois passèrent ainsi, à s’amuser jour après jour sans jamais voir ni livre, ni école. Puis, un matin, en se réveillant, Pinocchio eut une fort désagréable surprise qui le mit hors de lui. 

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    #32
      Thanh Vân 18.07.2008 05:08:27 (permalink)
      Chapitre 32


      Ses oreilles ayant poussé, Pinocchio se met à braire comme un vrai petit âne.


      Quelle fut cette mauvaise surprise ?
      Je vais vous le dire, mes chers petits lecteurs. En se réveillant, Pinocchio se gratta la tête et c’est là qu’il dé­couvrit que...
      Vous avez deviné, n’est-ce pas ?
      Il découvrit, à son grand étonnement, que ses oreilles avaient poussé au moins de la longueur d’une main.
      Vous vous rappelez que la marionnette avait toujours eu des oreilles si petites qu’on ne pouvait même pas les voir à l’œil nu. Imaginez donc la surprise de Pinocchio quand il se rendit compte que celles-ci s’étaient telle­ment allongées pendant la nuit qu’elles ressemblaient maintenant à deux écouvillons. 
      Il chercha immédiatement un miroir pour se regarder. N’en trouvant pas, il remplit d’eau une cuvette pour la toilette et, se mirant dedans, vit ce qu’il n’aurait jamais voulu voir. C’est à dire sa propre image agrémentée d’une magnifique paire d’oreilles d’âne.
      Je vous laisse imaginer la souffrance, la honte et le désespoir du pauvre Pinocchio !
      Il commença par pleurer, gémir et se cogner la tête contre le mur. Mais plus son désespoir grandissait, plus ses oreilles s’allongeaient et se recouvraient de poils. Alertée par ces cris aigus, une jolie petite marmotte qui habitait l’étage au-dessus entra dans la pièce. Voyant la grande agitation de la marionnette, elle lui demanda avec empressement :
      -         Que se passe-t-il, cher voisin ?
      -         Je suis malade, petite marmotte, très malade. Et malade d’une maladie qui me fait peur ! Tu sais pren­dre le pouls ?
      -         Un peu.
      -         Alors, dis-moi si j’ai de la fièvre. 
      La marmotte prit le pouls de la marionnette avec l’une de ses pattes de devant et lui dit en soupirant : 
      -         Hélas, mon pauvre ami, j’ai une mauvaise nouvelle à te donner.
      -         C’est à dire ?
      -         Tu as une méchante et forte fièvre
      -         Mais de quelle sorte de fièvre s’agit-il ?
      -         Tu as une fièvre de cheval, ou plutôt d’âne.
      -         Je ne comprends rien à ce que tu dis – répliqua la marionnette qui avait trop bien compris.
      -         Je vais donc t’expliquer. Dans deux ou trois heures tu ne seras pas plus une marionnette qu’un petit gar­çon.
      -         Et que serai-je ?
      -         D’ici deux heures ou trois tu deviendras un bourricot, un vrai, comme ceux qui tirent les carrioles ou por­tent choux et salades au marché.
      -         Oh ! Pauvre de moi ! Pauvre de moi ! – hurla Pinocchio en saisissant ses oreilles à pleine main, tirant des­sus et essayant de les arracher rageusement comme si ce n’étaient pas les siennes.
      -         Mon ami – intervint la marmotte pour le calmer – que cherches-tu donc à faire? Tu n’y peux rien ! C’est le destin ! Il est prouvé scientifiquement que tous les enfants paresseux qui rejettent les livres, l’école et les maîtres, qui passent leurs journées à jouer et à se divertir, deviennent tôt ou tard des petits ânes. 
      -         C’est prouvé ? – questionna la marionnette en sanglotant.
      -         Hélas, oui ! Et désormais les pleurs sont inutiles. Il fallait y penser plus tôt.
      -         Mais ce n’est pas de ma faute, crois-moi, petite marmotte, c’est à cause de La Mèche !
      -         La Mèche ? Qui est-ce ?
      -         Un copain d’école. Moi, je voulais rentrer à la maison, je voulais être obéissant, je voulais étudier et me distinguer... Mais La Mèche m’a dit : « Pourquoi t’embêter à travailler ? Pourquoi aller en classe ? Viens plutôt avec nous au Pays des Jouets. Là-bas, on n’étudie pas, on s’amuse du matin au soir et on est toujours joyeux.
      -         Pourquoi avoir suivi les conseils de ce faux ami, de ce mauvais compagnon ?
      -         Pourquoi ? Parce que, petite marmotte, je suis une marionnette sans cervelle... et sans cœur. Si au moins j’avais eu un peu de cœur, je n’aurais pas abandonné ma bonne fée qui m’aimait comme son propre enfant et qui a tant fait pour moi ! A cette heure, je ne serais plus une marionnette mais un vrai petit garçon, comme tous les autres. Oh ! Si jamais je rencontre La Mèche, gare à lui ! Je lui dirai ses quatre vérités.  
      Il fut sur le point de sortir mais, arrivé sur le pas de la porte, il se rappela qu’il avait des oreilles d’âne. Il avait honte de se montrer ainsi en public, mais que faire ? Il finit par prendre un bonnet de coton qu’il mit sur sa tête et enfonça jusqu’au nez. 
      Ensuite, il partit à la recherche de La Mèche, décidé à le retrouver n’importe où. Il le chercha dans les rues, sur les places, dans les petits théâtres, mais il ne le trouva nulle part. Il eut beau demander à tous ceux qu’il croi­sait, personne ne l’avait vu. 
      Alors il se rendit chez lui et frappa à sa porte.
      -         Qui est-ce ? – demanda La Mèche qui était là.
      -         C’est moi – répondit la marionnette.
      -         Attends une minute ! Je vais t’ouvrir.
      Une demi-heure plus tard, la porte s’ouvrit. Et Pinocchio n’en revint pas : son ami La Mèche avait, lui aussi, un grand bonnet de coton qui lui descendait jusqu’au nez !
      A la vue de cet accoutrement, la marionnette se sentit presque consolée et se dit :
       « N’aurait-il pas attrapé la même maladie que moi ? N’aurait-il pas, lui aussi, la fièvre des ânes ? »
      Faisant semblant de n’avoir rien remarqué, il lui demanda en souriant
      -         Comment vas-tu, mon cher La Mèche ?
      -         Aussi bien qu’une souris dans une meule de gruyère.
      -         Tu es sûr ?
      -         Pourquoi donc te mentirai-je ?
      -         Excuse-moi mais, dans ce cas, pourquoi portes-tu ce bonnet qui te couvre les oreilles ?
      -         Ordonnance du médecin parce que je me suis fait mal au genou. Et toi, ma vieille, pourquoi as-tu aussi un bonnet de coton qui te descend jusqu’au nez ?
      -         Ordonnance du médecin parce que j’ai une écorchure au pied.
      -         Pauvre Pinocchio !
      -         Pauvre La Mèche !
      Un long silence s’ensuivit durant lequel les deux amis ne firent rien d’autre que de s’observer avec un sourire moqueur. 
      Pinocchio fut le premier à reprendre le dialogue :
      -         Pardonne ma curiosité, mon cher La Mèche, mais as-tu jamais souffert des oreilles ?
      -         Jamais ! Et toi ?
      -         Jamais ! Pourtant, depuis ce matin, j’ai une oreille qui me fait mal.
      -         Moi, c’est pareil.
      -         Ah ! Toi aussi ? Et  quelle oreille te fait mal, La Mèche ?
      -         Les deux, Pinocchio. Et toi ?
      -         Les deux. Ne s’agirait-il pas de la même maladie ?
      -         J’ai bien peur que oui.
      -         Veux-tu me faire plaisir, La Mèche ?
      -         Volontiers, Pinocchio.
      -         Alors, fais-moi voir tes oreilles.
      -         Pas de problème. Mais j’aimerais d’abord voir les tiennes, mon cher Pinocchio.
      -         Non, non. Toi en premier.
      -         Mais non, cher ami ! Après toi !
      -         Bon, dans ce cas, je propose un arrangement – dit la marionnette.
      -         Voyons l’arrangement.
      -         Enlevons nos bonnets en même temps. D’accord ?
      -         D’accord.
      -         Attention ! Je compte jusqu’à trois. Un ! Deux ! Trois !
      A trois, les deux garçons arrachèrent leurs coiffes et les jetèrent en l’air.
      La scène qui suivit parait incroyable. Pourtant, elle est vraie. Découvrant qu’ils étaient l’un et l’autre atteints de la même maladie, Pinocchio et La Mèche, au lieu d’être mortifiés et de prendre un air désolé, se mirent à dé­biter mille grosses plaisanteries à propos de leurs longues oreilles et éclatèrent de rire.
      Longtemps ils se tordirent de rire mais La Mèche se tut tout à coup, changea de couleur, chancela et implora:
      -         Au secours, Pinocchio ! Aide-moi !
      -         Qu’est-ce qui t’arrive ?
      -         Je ne peux plus tenir sur mes jambes.
      -         Mais moi non plus ! – cria Pinocchio titubant à son tour et fondant en larmes. 
      Leurs jambes plièrent et ils se retrouvèrent par terre à marcher sur les mains et sur les genoux. Et alors qu’ils faisaient ainsi le tour de la pièce, leurs bras se transformèrent en pattes, leurs visages s’allongèrent pour de­venir museaux et leurs dos se couvrirent d’un pelage gris clair tacheté de noir. 
      Pourtant, savez-vous quel moment fut le plus dur pour ces deux malheureux ? Le moment le plus dur, le plus humiliant pour eux, ce fut quand ils sentirent leur pousser une queue. Vaincus par la honte et la douleur, ils ten­tèrent alors, face à la cruauté de leur destin, de se plaindre et de gémir
      Ils n’y parvinrent pas. Plaintes et gémissements ne furent que des braiments d’âne. Tous deux ne purent émet­tre que de bruyants « Hi-han ! Hi-han ! Hi-han ! ».
      Et c’est juste à ce moment-là que l’on frappa à la porte et qu’une voix ordonna :
      -         Ouvrez ! Je suis le petit homme, le charretier qui vous a amenés ici. Ouvrez immédiatement, sinon gare à vous !
      #33
        Thanh Vân 18.07.2008 05:09:18 (permalink)
        Chapitre 33


        Devenu un vrai âne, Pinocchio est vendu au directeur d’un cirque qui lui apprend à danser et à sauter dans des cercles. Un soir de représentation, il s’estropie, et il est revendu pour sa peau.


        Voyant que la porte restait fermée, le petit bonhomme l’ouvrit d’un grand coup de pied. Il entra dans la pièce et s’adressa à Pinocchio et La Mèche en arborant son habituel petit sourire :
        -         Bravo, les enfants ! Vos braiments étaient parfaits et je vous ai tout de suite reconnus. C’est même pour cela que je suis ici.
        Les deux ânons prirent un air penaud, la tête et les oreilles baissés, la queue entre les jambes.
        Le charretier commença par les flatter et les palper puis il se mit à les étriller vigoureusement.
        Une fois étrillés, les bourricots brillaient comme des miroirs. Il leur passa alors un licou et les conduisit sur la place du marché avec l’espoir de les vendre et d’en tirer un bon prix.
        Les acheteurs, de fait, ne se firent pas attendre.
        La Mèche fut acquis par un paysan qui avait perdu son âne la veille et Pinocchio acheté par le directeur d’un cirque pour le dresser à sauter et à danser avec les autres animaux de sa compagnie.
        Et maintenant vous avez compris, mes chers petits lecteurs, quel beau métier faisait l’homme à la charrette ? Cet avorton, ce monstre à la mine si avenante sillonnait de temps en temps le pays et, chemin faisant, embobi­nait avec ses minauderies et ses promesses tous les enfants paresseux qui n’aimaient ni les livres ni l’école. Il les faisait monter dans sa carriole et les conduisait au Pays des Jouets. Là, ils passaient leurs journées à s’amuser. Mais bientôt ces pauvres enfants naïfs, à force de jouer tout le temps et de n’étudier jamais, deve­naient des ânes que, tout content, le petit homme allait vendre au marché ou sur les foires. C’est ainsi qu’en peu d’années, il accumula tant d’argent qu’il était devenu millionnaire.
        Ce qu’il advint de La Mèche, je n’en sais rien. En revanche, je sais que Pinocchio dut endurer, dés les pre­miers jours, une vie très dure et particulièrement exténuante.
        Après l’avoir conduit à l’écurie, son nouveau maître remplit son râtelier de paille. Pinocchio y goûta puis la re­cracha.
        Tout en maugréant, le directeur du cirque y mit du foin, mais le foin ne plut pas non plus à Pinocchio.
        -         Ah bon ! Le foin non plus ne te plait pas ? – cria l’homme énervé – Alors, écoute ! A chaque fois qu’il te viendra la fantaisie de faire des caprices, attends-toi, mon beau, à ce que je te les ôte de la cervelle !
        Et pour le punir, il lui cingla les pattes avec son fouet.
        Ce qui fit pleurer et braire Pinocchio qui hoqueta :
        -         Hi-han ! Hi-han ! La paille, je ne peux pas la digérer !...
        -         Alors, mange le foin ! – répliqua son maître qui comprenait très bien la langue des ânes.
        -         Hi-han ! Hi-han ! Le foin me donne des maux d’estomac !...
        -         Tu prétends donc qu’à un baudet comme toi je devrais donner du blanc de poulet et du chapon en ge­lée ? – ajouta l’homme de plus en plus en colère et le fouettant de nouveau.
        Cette fois Pinocchio, devenu prudent, préféra se taire.
        La porte de l’écurie refermée, Pinocchio resta seul et, comme il n’avait pas mangé depuis longtemps, il se mit à bailler. En baillant, il ouvrait une bouche grande comme un four. 
        Finalement, ne trouvant rien d’autre dans sa mangeoire, il se résigna à mastiquer un peu de foin. Puis, après l’avoir bien malaxé, il ferma les yeux et l’avala.
        -         Ce foin n’est pas vraiment mauvais – se dit-il – mais j’aurais quand même mieux fait de continuer à étu­dier. A cette heure-ci, au lieu de foin, j’aurais pu manger un morceau de pain frais avec une bonne tran­che de salami ! Dommage !
        Le lendemain matin, à son réveil, il chercha tout de suite le foin dans le râtelier. Mais il n’y en avait plus car il avait tout mangé dans la nuit.
        Il se consola en prenant une bouchée de paille broyée. Mais tout en la mastiquant, il fut bien obligé de recon­naître que cette paille n’avait la saveur ni d’un risotto à la milanaise, ni de macaronis à la napolitaine. 
        -         Dommage ! – répéta-t-il tout en mastiquant – Qu’au moins mes malheurs servent de leçon à tous les en­fants désobéissants qui ne veulent pas aller à l’école ! Mais c’est dommage ! Bien dommage !
        -         Tu te plains ? Attends un peu ! – hurla le directeur qui venait d’entrer dans l’écurie – Car tu crois peut-être que je t’ai acheté uniquement pour te donner à boire et à manger ? Je t’ai acheté, moi, pour que tu travailles et que tu me fasses gagner beaucoup de sous. Allez, debout ! Tu vas venir avec moi sur la piste et je vais t’apprendre à sauter dans des cerceaux, à danser la valse et la polka debout sur tes pattes arrières.
        Effectivement, le pauvre Pinocchio dut apprendre de gré ou de force toutes ces belles choses mais il lui fallut trois mois et beaucoup de coups de fouet qui lui arrachaient la peau pour y arriver. 
        Un jour, son maître put enfin annoncer un spectacle tout à fait extraordinaire. Sur les affiches placardées à tous les coins de rues, on pouvait lire :
         
        Ce soir
        GRAND SPECTACLE DE GALA
        Des sauts et des exercices surprenants
        Avec tous les artistes et les chevaux
        De la Compagnie
        Et, pour la première fois, le fameux
        PETIT ANE PINOCCHIO
        dit
        L’Etoile de la Danse
        Le théâtre sera illuminé
         
        Comme de bien entendu, ce fameux soir, le théâtre était bondé bien avant que le spectacle ne commence. 
        Plus aucune place n’était à vendre, même à prix d’or.
        Sur les gradins s’entassaient des nuées d’enfants de tous âges très excités à l’idée de voir danser le fameux âne Pinocchio.
        A la fin de la première partie, le directeur de la compagnie, veste noire, pantalons blancs et bottes de cuir jusqu’aux genoux, se présenta, s’inclina profondément devant la foule des spectateurs et entama avec solen­nité ce discours-fleuve : 
        Honorable public, gentilshommes et belles dames !
         « Votre humble serviteur, de passage dans cette illustre cité, a le plaisir mais aussi la fierté de présenter à son éminent public un célèbre petit âne qui a déjà eu l’honneur de danser devant Sa Majesté l’Empereur de toutes les principales Cours d’Europe »  
         « Je vous remercie de votre participation et de votre indulgence ! »
        Rires et applaudissements suivirent cette introduction mais les applaudissements redoublèrent et déferlèrent comme un coup de tonnerre quand Pinocchio entra sur la piste. Il était paré comme s’il allait à une fête. Il arbo­rait une bride neuve en cuir qui reluisait et qui était chargée de boucles et de clous en cuivre, deux camélias blancs ornaient ses oreilles, sa crinière tressée était parsemée de petits nœuds argentés et des rubans de velours amarante et bleu-ciel enveloppaient sa queue. C’était, en somme, un amour de petit âne ! 
        Le directeur continua son discours :
        Vénérable public ! Je ne vous cacherai pas les grandes difficultés que j’ai éprouvées pour comprendre et maî­triser ce mammifère alors qu’il paissait librement de montagne en montagne dans les plaines torrides du sud. Observez, je vous prie, la sauvagerie de son regard et vous comprendrez que, tous les moyens habituels pour en faire un quadrupède domestique ayant échoué, j’ai dû souvent recourir à l’aimable dialogue du fouet. Met­tant en pratique la méthode de Galles, j’ai découvert qu’il avait dans son crâne le cartilage de Carthage que la Faculté de Médecine de Paris elle-même désigne comme le bulbe régénérateur des cheveux et celui de la danse pyrrhique, la danse guerrière des anciens Grecs. C’est pourquoi je l’ai non seulement dressé à sauter dans des cerceaux, mais aussi à danser. Admirez et appréciez ! Mais avant de prendre congé de vous, je vous invite, Messieurs et Mesdames, à venir au spectacle diurne de demain soir. Dans l’hypothèse où la pluie menacerait, la représentation de demain soir serait alors reportée à demain matin, à onze heures de l’après-midi ».      
        Après une nouvelle profonde révérence, le directeur se tourna vers Pinocchio :
        -         Courage, Pinocchio ! Mais avant les exercices, il vous faut saluer ce respectable public.
        Pinocchio, obéissant, se mit à genoux sur ses pattes avant et resta ainsi jusqu’au moment où, faisant claquer son fouet, le directeur ordonna:
        -         Au pas !
        L’ânon se releva et commença à tourner, au pas, autour de la piste.
        Puis le directeur commanda :
        -         Au trot !
        Et Pinocchio passa au trot.
        -         Au galop !
        Pinocchio galopa. 
        -         A toute allure !
        Et alors que l’ânon filait comme un cheval arabe, le dompteur leva un bras en l’air et tira un coup de pistolet.
        L’âne, faisant semblant d’être blessé, s’effondra au milieu de la piste et fit le mort.
        Une fois relevé, des hurlements et des applaudissements assourdissants emplirent le cirque. Pinocchio leva la tête vers le public et... il vit dans une loge une belle jeune femme qui portait à son cou un collier en or au bout duquel pendait un médaillon.
        On distinguait, dans ce médaillon, le portrait de la marionnette.
        -         Mais c’est mon portrait ! Cette dame est la Fée ! – s’étonna Pinocchio en reconnaissant la jeune femme. Alors, sa joie lui faisant oublier toute prudence, il voulut crier :
        -         Ma Fée ! Ma bonne petite Fée !
        Mais rien ne sortit de sa gorge que des braiments sonores et prolongés qui firent éclater de rire tous les spectateurs, et surtout les enfants.
        Le directeur, pour lui faire comprendre qu’il n’est pas bien élevé de braire au nez du public, lui appliqua un bon coup sur le museau avec le manche de son fouet.
        Le pauvre petit âne, tirant une langue longue comme le bras, se lécha le museau pendant plusieurs minutes afin de calmer la douleur.
        Mais son plus profond désespoir fut quand, regardant de nouveau le public, il ne vit plus personne dans la loge. La Fée avait disparu !  
        Il crut qu’il allait mourir. Ses yeux se remplirent de larmes et il se mit à sangloter. Personne ne s’en rendit compte et encore moins le directeur du cirque qui fit claquer son fouet et cria :
        -         Allez Pinocchio ! Maintenant fais voir à ces messieurs-dames avec quelle élégance tu sais sauter dans les cercles.
        Pinocchio fit plusieurs tentatives mais à chaque fois qu’il se présentait devant le cerceau, au lieu de le traver­ser, il passait dessous. Prenant une nouvelle fois son élan, il faillit réussir mais ses pattes arrières restèrent accrochés au cerceau et il s’affala de tout son long sur la piste.
        Quand il se releva, il boitait et il eut le plus grand mal à rejoindre l’écurie.
        -         Pinocchio, reviens ! On veut le petit âne ! Pinocchio ! Pinocchio ! – hurlaient les enfants apitoyés par ce qu’ils venaient de voir.
        Mais le petit âne ne revint pas.
        Le lendemain matin, le vétérinaire, c’est à dire le médecin des animaux, déclara qu’il resterait estropié toute sa vie.
        Alors le directeur du cirque appela son garçon d’écurie :
        -         Que veux-tu que je fasse d’un baudet boiteux ? Ce serait le nourrir à perte. Emmène-le donc au marché et revends-le.
        Arrivés sur la place du marché, ils trouvèrent tout de suite un acheteur :
        -         Combien cet âne boiteux ?
        -         Vingt lires.
        -         Je t’en donne vingt centimes. Ne crois pas que je vais m’en servir. Je l’achète uniquement pour sa peau. Je vois qu’il a la peau particulièrement dure et j’en ai besoin pour fabriquer un tambour pour l’orchestre de mon village.
        Je vous laisse imaginer, mes enfants, les sentiments du pauvre Pinocchio quand il entendit qu’il allait devenir un tambour !
        Après avoir versé les vingt centimes, l’acheteur conduisit l’ânon jusqu’à un rocher qui surplombait la mer, lui suspendit une grosse pierre au cou, attacha une corde à l’une de ses pattes tout en gardant l’autre bout à la main et lui donna une forte bourrade qui le projeta dans l’eau.  
        Avec ce poids autour du cou, Pinocchio coula tout au fond de la mer tandis que l’acheteur, tenant toujours l’autre extrémité de la corde, alla s’asseoir sur le rocher en attendant que l’âne ait tout le temps de se noyer pour qu’il puisse, ensuite, récupérer sa peau..
        #34
          Thanh Vân 18.07.2008 05:10:04 (permalink)
          Chapitre 34


          Le petit âne Pinocchio est mangé par les poissons et redevient une marionnette. Alors qu’il nage pour sauver sa vie, il est avalé par le terrible Raquin.


          Il y avait presque une heure que l’âne était dans l’eau et son acquéreur se dit:
          -         Maintenant, il doit être tout à fait noyé. Remontons-le pour faire le tambour avec sa peau.
          Il tira sur la corde qu’il avait attachée à l’une des pattes de l’âne, tira, tira, et vit affleurer à la surface de l’eau... vous savez quoi ? Au lieu d’un petit âne mort, apparut une marionnette bien vivante qui se tortillait comme une anguille.
          Le pauvre homme crut rêver. Il resta là, abasourdi, la bouche grande ouverte et les yeux exorbités.
          Revenu de sa stupeur, il balbutia :
          -         Et l’âne que j’ai jeté à la mer, où donc est-il ?
          -         L’âne, c’est moi ! – répondit la marionnette en riant.
          -         Toi ?
          -         Moi !
          -         Dis, petit rigolo ! Tu te moques de moi peut-être?
          -         Me moquer de vous ? Pas du tout, mon maître ! Je vous parle sérieusement.
          -         Mais enfin, comment as-tu fait pour devenir une marionnette en bois alors que tu étais, tout à l’heure, un bourricot ?
          -         C’est sans doute un effet de l’eau de mer. Parfois, la mer nous joue de ces tours..
          -         Ca suffit, la marionnette, ça suffit ! N’espère pas rire à mes dépens et gare à toi si tu me fais perdre pa­tience !
          -         D’accord, mon maître. Vous voulez savoir exactement ce qui s’est passé ? Dans ce cas, détachez-moi et je vous raconterai tout.
          Désireux de comprendre quelque chose à cette histoire, l’acheteur défit le nœud de la corde et Pinocchio se retrouva libre comme l’air :
          -         Apprenez donc, mon maître, qu’avant de devenir un âne, j’étais une marionnette sur le point de devenir un petit garçon comme les autres. Mais mon peu de goût pour le travail et les mauvais conseils de petits camarades me firent quitter la maison. C’est ainsi que, un matin, en me réveillant, je me suis retrouvé changé en baudet, avec les oreilles, la queue et tout. Quelle honte fut la mienne ! Que Saint-Antoine ne vous fasse jamais éprouver cet affront ! Emmené pour être vendu au marché des ânes, je fus acheté par le directeur d’une compagnie équestre qui se mit dans la tête de faire de moi un grand danseur et un sauteur de cercles hors-pair. Or, au beau milieu du spectacle, je fis une chute et me retrouvai estropié. Comme le directeur du cirque ne voulait pas s’encombrer d’un âne boiteux, il me revendit et c’est vous qui m’avez acheté.
          -         Eh oui ! Malheureusement ! Je t’ai même payé vingt centimes. Qui va me rendre mes vingt centimes maintenant ?
          -         Vous m’avez même acheté pour fabriquer un tambour avec ma peau, n’est-ce pas ? Un tambour !!
          -         Eh oui ! Malheureusement ! Où vais-je trouver une autre peau maintenant ?
          -         Ne vous laissez pas aller au désespoir, mon maître. Des ânes, il y en a tant en ce monde...
          -         Dis-moi, petit impertinent, ton histoire s’arrête là ?
          -         Pas tout à fait. Deux mots encore. Donc, après m’avoir acheté, vous m’avez conduit ici pour me tuer. Cé­dant à un sentiment de la plus grande humanité, vous avez préféré me mettre une pierre au cou et me jeter dans la mer. Cette délicatesse vous honore infiniment et je vous en serai éternellement recon­naissant. Mais c’était compter sans la Fée..
          -         C’est quoi cette Fée ?
          -         Cette Fée, c’est ma maman. Elle est comme toutes les mamans qui aiment beaucoup leurs enfants, veil­lent sur eux et les secourent tendrement en cas de danger, même si ces enfants, par leur étourderie et leur comportement indélicat, mériteraient d’être abandonnés et livrés à eux-mêmes. Je disais donc que la Fée, voyant que j’allais me noyer, m’envoya un banc d’innombrables poissons qui se mirent à dévorer cet ânon qu’ils croyaient bel et bien mort. Quelles bouchées ils faisaient de moi ! Je n’aurais jamais cru que les poissons fussent aussi gloutons que les enfants ! C’était à qui mangerait les oreilles, le museau, l’encolure et sa crinière, la peau des pattes et le pelage du dos ! Il y  a même un tout petit qui eut la courtoisie d’accepter de me dévorer la queue.
          -         Jamais plus je ne mangerai de poisson ! – s’exclama, horrifié, le fabricant de tambour – J’aurais trop peur de trouver une queue d’âne dans le ventre d’une truite ou d’un merlan.
          -         Je suis bien d’accord avec vous – répondit la marionnette qui se tordait de rire – Enfin, quand ils eurent fini de manger toute cette chair de baudet qui m’enrobait de la tête aux pieds, les poissons arrivèrent naturellement au squelette. Mais dés les premières morsures, ces gloutons s’aperçurent que le bois très dur dont je suis fait n’était pas pain béni pour leurs dentitions et ils se dispersèrent sans même me re­mercier. Et voici comment, tirant sur votre corde, vous avez trouvé une marionnette à la place de votre âne !
          -         Je me moque de tout cela ! – hurla l’acheteur fou de rage – Tout ce qui m’intéresse c’est que j’ai dé­pensé vingt centimes pour t’avoir et que je veux les récupérer. Sais-tu ce que je vais faire ? Je vais re­tourner au marché et te revendre comme du bois sec pour allumer le feu de la cheminée.
          -         D’accord, revendez-moi ! J’en serai ravi. – répliqua Pinocchio.
          Mais en même temps, il bondit et sauta loin dans l’eau. Tout en nageant allègrement pour s’éloigner de la rive, il cria au pauvre acheteur:
          -         Adieu, mon maître. Si vous avez besoin d’une peau pour faire un tambour, pensez à moi !
          Un peu plus loin, toujours nageant et riant, il lança encore :
          -         Adieu, mon bon maître. Si vous avez besoin d’un peu de bois pour allumer votre cheminée, pensez à moi !
          Pinocchio s’éloignait à toute vitesse. C’était devenu un petit point noir à la surface de l’eau. Parfois une paire de jambes émergeait de la mer ou alors il faisait des cabrioles dans l’eau, tel un dauphin de très bonne hu­meur.
          Nageant au hasard, Pinocchio aperçut un rocher blanc comme du marbre sur lequel béguetait gentiment une jolie petite chèvre qui lui faisait signe d’approcher.
          La chose étonnante était que cette chèvre n’était ni blanche, ni noire, comme le sont d’habitude la plupart des chèvres, mais sa laine était d’un bleu-nuit éclatant qui rappelait beaucoup la couleur des cheveux de la jolie petite Fée.
          Evidemment, le cœur de Pinocchio se mit à battre très fort. Redoublant d’effort, il se dirigea vers le rocher blanc. C’est alors que surgit une tête horrible, celle d’un monstre marin qui venait à sa rencontre. Sa bouche grande ouverte était un gouffre et découvrait trois rangées de dents à faire peur même en dessin.
          Et vous savez qui était ce monstre marin ?
          C’était, ni plus ni moins, ce gigantesque Requin déjà rencontré dans cette histoire et que l’on surnommait, à cause de ses nombreux massacres et de son insatiable voracité, « l’Attila des poissons et des pécheurs ».
          Vous imaginez l’épouvante qui saisit le pauvre Pinocchio à la vue de ce monstre ! Il essaya de l’éviter, de changer de route, de le fuir mais l’énorme bouche s’approchait à la vitesse d’une flèche.
          -         Dépêche-toi, Pinocchio ! Je t’en supplie ! – bêlait la jolie petite chèvre.
          Celui-ci nageait désespérément. Il se servait de tout : ses bras, sa poitrine, ses jambes, ses pieds...
          -         Cours ! Cours, Pinocchio ! Le monstre se rapproche !
          Rassemblant toutes ses forces, la marionnette redoubla d’ardeur.
          -         Attention, Pinocchio ! Le monstre te rejoint ! Il arrive ! Il arrive ! Dépêche-toi, je t’en supplie ou tu es perdu !
          Il ne pouvait pas aller plus vite. Il filait comme une balle de fusil. Alors qu’il était sur le point de toucher le rocher, la petite chèvre se pencha et  lui tendait déjà ses pattes de devant pour l’aider à sortir de l’eau.
          Mais c’était trop tard ! Le monstre l’avait rejoint et aspira la pauvre marionnette comme on gobe un oeuf. Ce fut si violent que Pinocchio, dégringolant dans le corps du Raquin, s’assomma et resta évanoui pendant un bon quart d’heure.
          Quand il revint à lui, il ne savait plus ni qui il était, ni où il était. Tout, autour de lui, était plongé dans le noir le plus profond comme s’il était entré dans un encrier plein d’encre. On n’entendait rien que, de temps en temps, de grandes bouffées de vent qui lui cinglaient le visage. Au début, il ne comprit pas, puis il pensa que ces ra­fales devaient sortir des poumons du monstre. De fait, le Raquin souffrait d’asthme et, quand il respirait, on aurait dit que soufflait la Tramontane.
          Pinocchio chercha d’abord à se donner du courage mais quand il eut cent fois la preuve qu’il était bien dans le corps du monstre, il s’effondra en larmes et se mit à gémir :
          -         Au secours ! A l’aide ! Oh, pauvre de moi ! N’y a-t-il personne pour me sauver ?
          -         Qui donc pourrait te sauver, malheureux ! – grinça une voix dans le noir, fêlée comme une guitare désac­cordée.
          -         Qui parle ? – demanda Pinocchio qui tremblait de peur.
          -         C’est moi ! Je suis un pauvre Thon que le Raquin a avalé en même temps que toi. Et toi, quel poisson es-tu ?
          -         Moi, je n’ai rien à voir avec les poissons. Je suis une marionnette.
          -         Et alors ? Si tu n’es pas un poisson, pourquoi t’es-tu fait avaler par le monstre ?
          -         Je n’en sais rien. D’ailleurs je ne me suis pas « fait avaler ». C’est lui qui m’a avalé. Nuance ! Bon, et maintenant, qu’est-ce que l’on peut faire ?
          -         Se résigner et attendre que le Raquin nous digère.
          -         Mais je ne veux pas être digéré ! – cria Pinocchio qui se remit à pleurer.
          -         Ben, moi non plus – fit remarquer le Thon – mais je suis philosophe et je me console en pensant que, pour un Thon, il est plus digne de mourir dans l’eau que dans la friture.
          -         Balivernes ! – hurla Pinocchio.
          -         C’est mon opinion – se défendit le Thon – et toutes les opinions, comme l’assurent les Thons politiques, sont respectables !
          -         Moi, je veux m’en aller d’ici. Je veux m’en aller...
          -         Va-t-en, si tu y arrives.
          -         Il est vraiment gros ce Raquin ? – questionna la marionnette.
          -         S’il est gros ? Son corps mesure plus d’un kilomètre de long, sans compter la queue.
          Tandis qu’ils conversaient ainsi, Pinocchio crut discerner dans le lointain une vague lueur.
          -         Cette lueur, tout là-bas, qu’est-ce que c’est ? demanda Pinocchio.
          -         Sans doute un autre malheureux qui attend d’être digéré.
          -         Je vais aller voir. Il s’agit peut-être d’un vieux poisson qui sait, lui, comment sortir d’ici.
          -         Je te le souhaite, chère marionnette.
          -         Alors, adieu le Thon.
          -         Adieu, la marionnette. Et bonne chance !
          -         On se reverra ?
          -         Qui sait ? Le mieux est de ne pas y penser !
          #35
            Thanh Vân 18.07.2008 05:10:48 (permalink)
            Chapitre 35


            Pinocchio, dans le corps du Requin, retrouve... Mais qui donc retrouve-t-il ? Vous le saurez en lisant ce chapitre.


            Après avoir dit adieu à son ami le thon, Pinocchio s’engouffra dans l’obscurité régnant dans le corps du Requin et marcha à tâtons dans le noir, progressant pas à pas vers cette pâle lueur qui brillait vaguement dans le loin­tain.
            Il entendait ses pieds clapoter dans une eau grasse et glissante qui dégageait une forte odeur de poisson frit, comme si c’était la Mi-Carême.
            Plus il avançait, plus cette lueur lointaine et imprécise gagnait en brillance et en netteté. Il marcha longtemps avant d’atteindre son but. Et là, que trouva Pinocchio ? Je vous le donne en mille ! Il trouva une petite table sur laquelle était allumée une bougie enfilée dans une bouteille en cristal vert et, assis à cette table, un petit vieux aux cheveux blancs comme de la neige ou de la crème fouettée. Il mâchouillait des petits poissons vivants, si vivants d’ailleurs que, la plupart du temps, ils parvenaient à s’échapper de sa bouche. 
            La vue de ce vieil homme provoqua chez Pinocchio une telle surprise et une telle allégresse qu’il faillit en deve­nir fou. Il était partagé entre le rire, les pleurs et l’envie de raconter une foule de choses. Il n’arrivait qu’à balbu­tier confusément, à crachoter des bouts de mots ne voulant rien dire. Finalement, il parvint à sortir de sa gorge un cri de joie, ouvrit grand ses bras et se jeta au cou de l’homme:      
            -         Oh ! Mon papounet ! Enfin, je te retrouve ! Plus jamais je ne te quitterai ! Jamais ! Jamais !
            -         Donc mes yeux ne m’ont pas trompé ? – répondit le vieil homme en se les frottant – Donc tu es bien mon cher Pinocchio ?
            -         Oui, oui, c’est moi ! C’est vraiment moi ! Et vous, vous m’avez déjà pardonné, n’est-ce pas ? Oh ! Mon pe­tit papa à moi, comme vous êtes bon ! Alors que moi, au contraire... Mais j’en ai eu des misères ! Tout est allé de travers ! Figurez-vous, mon pauvre petit papa, que le jour où vous avez vendu votre veste pour m’acheter un abécédaire, je suis allé au spectacle de marionnettes et là le marionnettiste voulait me jeter au feu pour faire cuire son mouton puis il m’a donné cinq pièces d’or pour vous mais j’ai rencontré le renard et le chat qui m’ont emmené à l’auberge de l’Ecrevisse Rouge où ils ont mangé comme des loups affamés, après je suis parti tout seul dans la nuit et des assassins m’ont poursuivi longtemps et m’ont pendu au grand chêne puis la jolie fillette aux cheveux bleu-nuit a envoyé un carrosse me chercher et les médecins ont dit : « S’il n’est pas mort, cela signifie qu’il est toujours vivant » et comme j’avais dit un mensonge, mon nez s’est allongé au point de ne plus pouvoir sortir pour aller avec le renard et le chat enterrer mes quatre pièces d’or – car avec la cinquième, j’avais payé l’aubergiste – ce qui fit rire le perroquet et, au lieu des deux mille sequins que je devais récolter, je n’ai rien retrouvé, c’est pourquoi le juge, sachant que j’avais été volé, m’envoya en prison d’où je sortis grâce à une me­sure de clémence jusqu’à ce que, voyant une belle grappe de raisin, je tombai dans un piège et le paysan, pour me donner une leçon, m’a fait garder le poulailler et quand il m’a rendu ma liberté le ser­pent dont la queue fumait se mit lui aussi à rire si fort qu’il fit éclater une veine de sa poitrine et c’est comme cela que je suis retourné chez la jolie fillette aux cheveux bleu-nuit qui était morte, alors le pi­geon, voyant que je pleurais, me dit « J’ai vu ton papa qui fabriquait une chaloupe pour te chercher » et moi, je lui ai répondu « Ah ! Comme j’aimerais avoir des ailes, moi aussi ! » et il m’a dit « Tu veux voir ton papa ? » et moi j’ai dit « Oh oui alors ! Mais qui va m’emmener ? » et lui « Moi, je te porterai » et moi « Comment ? » et lui « Tu n’as qu’à monter sur mon dos », c’est ainsi que nous avons volé toute la nuit et le lendemain matin des pêcheurs qui regardaient la mer me dirent « Il y a un pauvre homme sur une barque qui est en train de se noyer » et moi, de loin, je t’ai tout de suite reconnu parce que mon cœur me disait que c’était vous et alors je t’ai fait signe de revenir...
            -         Moi aussi, je t’ai reconnu – l’interrompit Geppetto – et j’aurais volontiers fait demi-tour, mais comment ? La mer était grosse et une énorme vague a fait chavirer ma chaloupe. C’est à ce moment-là qu’un horri­ble Requin qui rôdait dans les parages m’a repéré, s’est dirigé vers moi et, tirant la langue, m’a avalé comme une tartelette bolonaise.
            -         Cela fait combien de temps que vous êtes enfermé ici ? – interrogea Pinocchio.
            -         Depuis ce jour, il a dû s’écouler deux années. Deux années, mon pauvre Pinocchio, qui m’ont paru deux siècles !
            -         Et comment avez-vous fait pour vivre ? Et où avez-vous trouvé cette bougie ? Et les allumettes pour l’allumer, qui vous les a données ?
            -         Je vais tout te raconter. En fait, la même tornade qui me fit chavirer coula aussi un navire marchand. Son équipage parvint à se sauver mais le Requin, qui avait ce jour-là bon appétit, avala aussi le bâti­ment.
            -         Comment ? D’un seul coup ? – s’étonna Pinocchio qui n’en revenait pas.
            -         Il n’en fit qu’une bouchée, effectivement. Il ne rejeta que le mât principal qui s’était coincé dans ses dents comme une vulgaire arête de poisson. Ma grande chance fut que ce navire était chargé de viande conservée dans des caisses étanches, de pain grillé, de bouteilles de vin, de raisin sec, de fromage, de café, de sucre, de bougies et de boites d’allumettes en cire. Grâce à ce véritable don de Dieu, j’ai pu survivre durant deux ans mais aujourd’hui, cela touche à sa fin. Il n’y plus rien dans le garde-manger et cette bougie allumée est la dernière qui restait. 
            -         Et après ?
            -         Après, mon cher enfant, nous resterons dans le noir.
            -         Alors – décida Pinocchio – il n’y a pas de temps à perdre. Il faut trouver un moyen pour fuir.
            -         Fuir ? Mais comment fuir ?
            -         En sortant par la gueule du monstre et en se jetant à l’eau.
            -         C’est vite dit, Pinocchio. Moi, je ne sais pas nager.
            -         Aucune importance, mon papounet ! Vous monterez sur mon dos et moi, qui suis un bon nageur, je vous porterai jusqu’à la côte.
            -         Tu rêves, mon garçon ! – soupira Geppetto en secouant la tête et en souriant tristement – Comment une marionnette comme toi, qui mesure à peine un mètre, pourrait-elle avoir la force de nager avec moi sur son dos ?
            -         Bah ! Essayons ! On verra bien ! De toutes façons, s’il est écrit que nous devions mourir tous les deux, nous aurons au moins la consolation d’être dans les bras l’un de l’autre.
            Sans ajouter un mot de plus, Pinocchio se saisit de la bougie et commença à avancer en éclairant le chemin :
            -         Suivez-moi, mon petit papa et n‘ayez pas peur !
            Longtemps, ils cheminèrent ainsi dans le corps du Requin, traversèrent l’estomac du monstre et arrivèrent dans son énorme bouche. Là, ils s’arrêtèrent pour faire le point et choisir le moment opportun pour s’échapper. 
            Le Requin, qui était très vieux, souffrait d’asthme et avait des palpitations cardiaques, si bien qu’il était obligé de dormir la bouche ouverte. Pinocchio en profita pour regarder au dehors. Le ciel était parsemé d’étoiles et un beau clair de lune éclairait la mer.
            -         C’est le moment. – murmura-t-il à son père – Le Requin dort comme un loir, la mer est tranquille et on y voit comme en plein jour. Suis-moi, papa, et dans peu de temps nous serons sauvés..
            Ils s’engagèrent sur la langue du monstre, une langue aussi large qu’une allée de jardin, et ils progressèrent sur la pointe des pieds. Mais au moment où ils s’apprêtaient à faire le grand plongeon dans la mer, le Requin éter­nua, ce qui provoqua une telle secousse que Pinocchio et Geppetto dégringolèrent de nouveau dans l’estomac du monstre.  
            Dans leur chute, la bougie s’éteignit et ils se retrouvèrent dans le noir.
            -         Et maintenant, comment on va faire ? – dit Pinocchio d’un air préoccupé. 
            -         Maintenant, mon fils, nous sommes tout à fait fichus.
            -         Pourquoi fichus ? Donnez-moi la main, mon papa, et attention de ne pas glisser !
            -         Où veux-tu me conduire ?
            -         Nous devons essayer encore. Venez et n’ayez pas peur.
            Pinocchio prit donc son papa par la main et, marchant toujours sur la pointe des pieds, ils remontèrent dans la gueule du monstre, passèrent sur sa langue et franchirent les trois rangées de dents. Juste avant de plonger, la marionnette se retourna vers son père :
            -         Grimpez sur mon dos et serrez-moi fort ! Je m’occupe du reste.
            Dés que celui-ci fut bien installé, Pinocchio, sûr de lui, se jeta à l’eau et commença à nager. La mer était d’huile, la lune brillait et le Requin continuait de dormir si profondément qu’un coup de canon ne l’aurait pas réveillé.
            #36
              Thanh Vân 18.07.2008 05:11:40 (permalink)
              Chapitre 36

              La marionnette Pinocchio devient enfin un vrai petit garçon.


              Alors que Pinocchio nageait le plus vite possible pour rejoindre la côte, il s’aperçut que son papa, à cheval sur son dos, avait les jambes à moitié dans l’eau et qu’il tremblait fortement comme s’il avait une crise de palu­disme.
              Tremblait-il de froid ou de peur ? Peut-être des deux mais, optant plutôt pour la peur, Pinocchio lui dit pour le réconforter :
              -         Courage, papa ! Dans quelques minutes nous arriverons sur la terre ferme et nous serons sauvés.
              -         Mais où est-il ce fameux rivage ? – demanda le vieil homme, de plus en plus inquiet, en plissant les yeux comme le font les tailleurs pour enfiler une aiguille.
              -         Moi, je le vois. – assura la marionnette – Vous savez, je suis comme les chats qui ont une meilleure vue la nuit que le jour.
              Pinocchio faisait semblant d’être de bonne humeur. En réalité, les forces commençaient à lui manquer, sa res­piration était de plus en plus courte et il était au bord du découragement car la côte était encore très loin.
              Il continua néanmoins de nager jusqu’à ce qu’il n’ait plus du tout de souffle. Alors, il tourna la tête vers Geppetto et, haletant, lui dit :
              -         Mon papa, aidez-moi... je n’en peux plus ! Je crois que je vais mourir...
              Ils étaient effectivement sur le point de se noyer quand ils entendirent une voix de guitare désaccordée qui de­mandait :
              -         Qui parle de mourir ?
              -         C’est moi et mon pauvre papa.
              -         Mais je reconnais cette façon de parler ! – continua la voix éraillée – Tu ne serais pas Pinocchio ?
              -         Si, si, c’est moi ! Et toi, qui es-tu ?
              -         Je suis le Thon. J’étais avec toi dans le corps du Raquin.
              -         Comment as-tu fait pour t’échapper ?
              -         J’ai suivi ton exemple. C’est toi qui m’as montré le chemin et je me suis sauvé moi aussi.
              -         Ah, joli Thon, tu tombes à pic ! Au nom de l’amour que je te porte et que je porte à toute ta progéniture, je t’en supplie, aide-nous, sinon nous sommes perdus.
              -         De tout cœur. Accrochez-vous à ma queue et laissez-vous tirer. Dans quelques minutes, nous aurons at­teint le rivage.
              Geppetto et Pinocchio ne se le firent pas dire deux fois mais ils préférèrent se mettre à califourchon sur le dos du Thon :
              -         On n’est pas trop lourds ? – s’inquiéta Pinocchio.
              -         Lourds ? Pas le moins le monde ! J’ai l’impression d’avoir deux coquilles vides sur mon dos – affirma le Thon qui avait la puissante stature d’un veau de deux ans.  
              Arrivé sur le rivage, Pinocchio sauta à terre, aida son père à en faire autant puis, se tournant vers le Thon, lui dit d’une voix très émue :
              -         Ami, tu as sauvé mon papa ! Je n’ai pas assez de mots pour te remercier. Permets-moi au moins de t’embrasser en signe de reconnaissance éternelle.
              Le Thon sortit son museau de l’eau. Pinocchio s’agenouilla et posa sur sa bouche un baiser très affectueux. Ce geste si spontané et qui exprimait tant d’amitié troubla profondément le Thon peu habitué à ce genre d’effusion. Du coup, honteux qu’on puisse le voir pleurer comme un bébé, il rentra sa tête dans l’eau et dispa­rut.  
              Entre-temps, le jour s’était levé.
              Pinocchio offrit son bras à Geppetto qui pouvait à peine tenir debout et lui dit :
              -         Appuyez-vous sur moi, mon petit papa ! On va marcher lentement, comme des tortues, et quand nous se­rons fatigués, on s’arrêtera. 
              -         Mais où nous emmènes-tu ? 
              -         On va chercher une maison ou une cabane, en espérant que l’on nous donnera un morceau de pain pour manger et un peu de paille pour dormir.
              Ils n’avaient pas fait cent pas qu’ils virent, assis sur le bord de la route, deux individus à l’air louche et minable qui demandaient l’aumône.
              C’étaient le Chat et le Renard. Ils étaient beaucoup moins fringants qu’autrefois. Le Chat, à force de jouer à l’aveugle, avait fini par perdre la vue pour de bon. Quant au Renard, la vieillesse l’avait rendu à moitié paralysé et il n’avait même plus de queue. Ce triste gibier de potence était tombé dans une misère si grande qu’il dut un beau jour vendre ce superbe appendice à un marchand ambulant qui l’acheta pour en faire un chasse-mou­ches.
              -         Eh ! Pinocchio ! – cria le Renard d’une voix pleurnicharde – Aie pitié de deux pauvres infirmes ! 
              -         Infirmes ! – répéta le Chat.
              -         Adieu, beaux masques ! – répondit la marionnette – Vous m’avez embobiné une fois, mais vous ne m’y reprendrez plus.
              -         Tu vois bien, Pinocchio, qu’aujourd’hui nous sommes vraiment pauvres et malheureux !
              -         Malheureux ! – répéta le Chat.
              -         Si vous êtes pauvres, c’est bien de votre faute. Rappelez-vous le proverbe : « Bien mal acquis ne profite jamais ». Adieu, mes jolis !
              -         Aie pitié de nous !
              -         De nous !
              -         Adieu, beaux masques ! Rappelez-vous le proverbe : « La farine du diable en son toujours se trans­forme » 
              -         Ne nous abandonne pas !
              -         Pas ! – répéta le Chat.
              -         Adieu, beaux masques ! Rappelez-vous le proverbe : « Qui vole à autrui son manteau n’aura même pas de chemise pour mourir ».
              Pinocchio et Geppetto continuèrent tranquillement leur chemin. Peu après, ils découvrirent un sentier qui me­nait à une jolie chaumière au milieu des champs. Elle était en paille mais recouverte d’un toit de tuiles. 
              -         Cette maison est certainement habitée – fit remarquer Pinocchio – Allons-y ! 
              Ils s’engagèrent dans le sentier et allèrent frapper à la porte de la chaumière. Une voix ténue se fit entendre :
              -         Qu’est-ce que c’est ?
              -         C’est un pauvre papa et son pauvre enfant qui n’ont rien pour manger ni pour dormir.
              -         Tournez la clé et entrez !
              Pinocchio manœuvra la clé, la porte s’ouvrit et ils purent entrer. Mais ils eurent beau regarder partout, ils ne virent personne.
              -         Où donc est le maître de ces lieux ? – s’étonna Pinocchio.
              -         Je suis là-haut !
              Le fils et le père levèrent la tête en même temps : ils aperçurent alors, sur une poutre du plafond, le Grillon-qui-parle.
              -         Oh ! Mais c’est mon cher grillon ! – s’exclama Pinocchio en le saluant poliment.
              -         Ah bon ! Maintenant, je suis ton « cher grillon », n’est-ce pas ? Rappelle-toi pourtant que tu m’as envoyé un marteau à la figure pour me chasser de chez toi !
              -         C’est vrai, grillon ! Alors chasse-moi toi aussi et, si tu veux, assomme-moi avec un marteau mais aie pi­tié de mon pauvre papa !
              -         J’aurai pitié de vous deux. Mais je tenais à te rappeler ta grossièreté pour que tu saches qu’en ce monde il vaut mieux se montrer courtois envers autrui si l’on veut, dans les moments difficiles, bénéficier de la courtoisie des autres.
              -         Tu as raison, grillon, mille fois raison et je retiendrai la leçon. Mais, dis-moi, comment as-tu fait pour acqué­rir une si belle chaumière ?
              -         Elle m’a été donnée hier par une gracieuse chèvre à la toison bleu-nuit.
              -         Et cette chèvre, où est-elle allée ?
              -         Je n’en sais rien.
              -         Mais quand reviendra-t-elle ? – insista Pinocchio.
              -         Elle ne reviendra pas. En partant, hier, elle semblait très affectée. Elle avait des bêlements qui sem­blaient dire : « Pauvre Pinocchio... jamais je ne le reverrai... le Raquin l’aura bel et bien dévoré... »
              -         C’est ce qu’elle a dit ? Vraiment ? Donc c’était bien elle, c’était bien ma bonne petite Fée ! – se mit à hur­ler Pinocchio en éclatant en sanglots.
              Il pleura beaucoup puis essuya ses larmes et prépara un bon lit de paille sur lequel s’étendit le vieux Geppetto. Alors, se tournant vers le grillon : 
              -         Dis-moi, mon petit grillon, sais-tu où je pourrais trouver un verre de lait pour papa ?
              -         Tu trouveras du lait chez Giangio le maraîcher. Il possède des vaches. C’est le troisième champ à partir d’ici.   
              Pinocchio courut donc chez le maraîcher qui lui demanda : 
              -         Quelle quantité de lait veux-tu ?
              -         Un verre plein.
              -         Un verre de lait coûte un sou. Commence donc par me donner un sou.
              -         Mais je n’ai même pas un centime – répondit Pinocchio, à la fois vexé et désolé.
              -         Alors, jeune marionnette, rien à faire! Si tu n’as même pas un centime à me donner, moi je n’ai même pas un doigt de lait à te vendre.
              -         Tant pis ! – dit Pinocchio qui n’avait plus qu’à s’en aller.
              -         Attends un peu ! – ajouta Giangio le maraîcher – On peut toujours s’arranger. Cela t’irait de tourner la noria ?  
              -         La noria ? C’est quoi ? 
              -         C’est cette machine en bois qui sert à remonter l’eau du puits pour arroser mes légumes.
              -         Je vais essayer.
              -         Dans ce cas, tu me tires une centaine de seaux et, en échange, je te donne un verre de lait.
              -         D’accord.
              Giangio conduisit la marionnette dans le potager et lui montra comment faire fonctionner la noria. Pinocchio se mit immédiatement au travail mais il n’avait pas encore tiré ses cent seaux d’eau qu’il était déjà ruisselant de sueur de la tête aux pieds. Jamais il n’avait éprouvé une telle fatigue.
              -         Jusqu’à présent, c’est mon âne qui faisait ce travail pénible mais la pauvre bête est moribonde. – expli­qua le maraîcher.
              -         Je pourrais le voir ? – demanda Pinocchio.
              -         Bien sûr.
              En entrant dans l’écurie, Pinocchio vit un joli petit âne couché sur la paille, usé par trop de travail et pas assez de nourriture.
              Il le regarda longuement et se dit, troublé :
              -         Mais cet ânon, je le connais ! J’ai déjà vu sa tête quelque part ! 
              Alors, se penchant vers lui et utilisant le langage des ânes, il lui demanda :
              -         Qui es-tu ?
              Le petit âne parvint à ouvrir les yeux et balbutia, dans le même dialecte :
              -         Je... m’appelle... La...Mè...che...
              Puis, refermant les yeux, il expira.
              -         Pauvre La Mèche ! – soupira Pinocchio en essuyant avec de la paille une larme qui coulait le long de sa joue.
              -         Tu es ému par un âne qui ne t’a rien coûté ? – s’étonna le maraîcher – Qu’est-ce que je devrais dire, moi qui l’ai payé quatre pièces d’or comptant !
              -         C’est à dire... c’était mon ami !
              -         Un ami ?
              -         Oui, un copain de l’école.
              -         Comment !  – s’esclaffa Giangio qui riait à gorge déployée – Comment ! Tu avais des bourricots comme camarades de classe ? Eh bien ! Tu as dû faire de fameuses études !
              La marionnette, froissée par cette remarque, ne répondit rien, prit son verre de lait encore chaud et s’en re­tourna à la maison du grillon.
              Il continua, cinq mois durant, à se lever chaque jour avant l’aube pour aller manœuvrer la noria afin de gagner les verres de lait qui faisait tant de bien à son papa dont la santé était délicate. Non content d’exercer cette tâche, il profita de son temps libre pour apprendre à fabriquer avec du jonc corbeilles et paniers. Grâce à l’argent qu’il gagnait ainsi, il réussit à faire face aux dépenses domestiques qu’il gérait avec beaucoup de sa­gesse. Parmi mille autres choses, il fabriqua également une élégante carriole pour promener son père afin qu’il prenne un peu l’air quand il faisait beau.
              Lors des veillées, il s’entraînait à lire et à écrire. Pour la lecture, il avait acheté au village, pour quelques centi­mes, un gros livre auquel il manquait les premières et les dernières pages. Pour l’écriture, il utilisait une brin­dille en guise de plume, et comme il n’avait ni encre ni encrier, il la trempait dans un petit récipient rempli de jus de mûres et de cerises.   
              Il en résulta que, grâce à sa volonté d’apprendre, de travailler et d’aller de l’avant, non seulement il parvint à soigner son père toujours maladif, mais il put aussi mettre de côté assez d’argent pour s’acheter un habit neuf.
              Un matin, il dit à Geppetto :
              -         Papa, je vais au marché m’acheter une veste, un chapeau et des chaussures. Et quand je rentrerai, je se­rai tellement chic que vous me prendrez pour un grand monsieur.
              Une fois dehors, il se mit à courir, tout content et joyeux quand, soudain, il entendit qu’on l’appelait par son nom. C’était une belle Limace qui sortait d’une haie :
              -         Tu ne me reconnais pas ? – demanda la Limace.
              -         C’est à dire...
              -         Tu ne te rappelles pas la Limace qui servait de femme de chambre à la Fée aux cheveux bleu-nuit ?De cette nuit où je suis descendue pour te donner de la lumière alors que tu avais un pied coincé dans la porte de sa maison ?
              -         Oui, oui, je me rappelle tout – s’exclama Pinocchio – Réponds-moi vite, jolie Limace ! Où as-tu laissée ma bonne Fée ? Que fait-elle maintenant ? M’a-t-elle pardonné ? Ne m’a-t-elle pas oublié ? Est-ce qu’elle m’aime toujours ? Elle est loin d’ici ? Je pourrais la retrouver ?
              A toutes ces questions formulées par la marionnette dans la plus grande précipitation et sans même reprendre souffle, la Limace répondit avec son flegme coutumier :
              -         Ah, mon pauvre Pinocchio ! Ta bonne Fée gît sur un lit d’hôpital !
              -         Elle est à l’hôpital ?
              -         Malheureusement ! Elle a eu bien des malheurs ! Maintenant, elle est gravement malade et n’a même plus de quoi s’acheter un morceau de pain.
              -         Oh, quelle peine tu me fais ! Pauvre, pauvre Fée ! Si j’avais un million, je volerais jusqu’à elle pour le lui donner. Mais je n’ai que ces quarante sous, juste de quoi m’acheter des vêtements. Prends-les, Limace, et porte-les immédiatement à ma bonne Fée.
              -         Mais tes vêtements ?
              -         Que m’importe de nouveaux habits ! Je vendrais les haillons que je porte si cela pouvait l’aider. Va, Limace ! Dépêche-toi ! Et d’ici deux jours, reviens à cet endroit ! Peut-être pourrais-je te donner encore un peu d’argent. Jusqu’à présent, j’ai travaillé pour aider mon papa. Désormais, je travaillerai cinq heu­res de plus pour ma maman. Au revoir, Limace ! A après-demain ! 
              La Limace, contrairement à son habitude, fila comme un lézard sortant de son trou au plus fort de la canicule du mois d’août.
              Quand Pinocchio fut revenu chez lui, Geppetto lui demanda :
              -         Et cette veste neuve ?
              -         Impossible d’en trouver une qui m’aille ! Ce n’est pas grave : je l’achèterai une autre fois.
              Et ce soir-là, au lieu de veiller jusqu’à dix heures, Pinocchio travailla jusqu’à minuit tapant. Au lieu de huit pa­niers, il en fit seize.
              A peine couché, il s’endormit. Mais dans son sommeil, il vit en songe la Fée, souriante et éblouissante de beauté, qui lui dit ceci après lui avoir donné un baiser :
              -         Bravo Pinocchio ! Parce que tu as si bon cœur, je te pardonne pour toutes les bêtises que tu as faites jusqu’à aujourd’hui. Les enfants qui s’occupent tendrement de leurs parents quand ils sont dans la gène ou qu’ils sont malades méritent toujours louanges et affection. Même s’ils ne sont pas toujours des mo­dèles d’obéissance et de bonne conduite. Si, à l’avenir, tu deviens raisonnable, tu trouveras le bonheur.
              Le rêve s’achevait ainsi. Mais, à son réveil, Pinocchio ouvrit de grands yeux.
              Car, figurez-vous qu’en se réveillant Pinocchio découvrit, émerveillé, qu’il n’était plus une marionnette en bois, qu’il ressemblait enfin à un enfant comme un autre ! La pièce aux murs nus de la cabane en paille était deve­nue une jolie chambre meublée et décorée avec une élégante simplicité. Sautant du lit, il découvrit aussi un costume neuf, un nouveau chapeau et une paire de bottines en cuir qui lui allèrent parfaitement.  
              En mettant machinalement les mains dans les poches de ses nouveaux habits, il trouva un petit porte-monnaie d’ivoire sur lequel était gravé : « La Fée aux cheveux bleu-nuit rembourse ses quarante sous à son cher petit Pinocchio et le remercie pour sa générosité ». Mais les quarante sous n’étaient plus de vulgaires pièces en cuivre. Le porte-monnaie contenait quarante sequins en or, flambant neuf et brillant de tous leurs feux.
              Il alla se contempler dans le miroir et ne se reconnut pas. L’image familière d’une marionnette en bois avait disparu. A sa place souriait joyeusement un beau petit garçon à l’air vif et intelligent, aux cheveux châtains et aux yeux bleus.
              Tous ces évènements merveilleux se succédaient si vite que Pinocchio ne savait plus s’il était vraiment éveillé ou s’il continuait de rêver les yeux ouverts.
              -         Et mon papa dans tout cela ? – cria-t-il soudain.
              Il entra dans la pièce voisine et y trouva le vieux Geppetto en pleine forme, guilleret et de très bonne humeur, comme autrefois. Retrouvant son métier de sculpteur sur bois, il était en train de fabriquer un magnifique cadre orné de feuillages, de fleurs et de têtes d’animaux. Pinocchio lui sauta au cou et le couvrit de baisers :
              -         Comment expliquer tous ce changement, mon petit papa ?
              -         Tout cela, c’est grâce à toi – répondit Geppetto
              -         Grâce à moi ?
              -         Mais oui. Quand les sales gosses deviennent de bons petits, ils ont aussi le pouvoir de transformer toute leur famille.     
              -         Et le vieux Pinocchio en bois, qu’est-il devenu ?
              -         Il est là.
              La grande marionnette était contre une chaise, la tête penchant sur le côté, les bras ballants, les jambes em­mêlées et à demi repliées. A se demander comment elle pouvait tenir debout. 
              Pinocchio la regarda un moment avec attention puis poussa un grand soupir de satisfaction :
              -         Quel drôle d’air j’avais quand j’étais une marionnette ! Et comme je suis content d’être devenu un vrai et bon petit garçon !
                FIN

              [image]http://diendan.vnthuquan.net/upfiles/34101/88C82571B4304C14BFAA1C30357BF979.jpg[/image]
              <bài viết được chỉnh sửa lúc 18.07.2008 05:14:15 bởi Thanh Vân >
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              #37
                Thanh Vân 18.07.2008 05:22:58 (permalink)
                 Les aventures de Pinocchio được dịch ra bản tiếng Việt , đã có trong thư viện

                Thằng người gỗ
                #38
                  slhomes 31.07.2011 11:32:38 (permalink)
                  Merci bien!
                  #39
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